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198               ESSAI SUR QUELQUES CHIFFRES

partie de notre vie et qu'il a fallu nous armer d'un certain
courage pour aborder une matière aussi aride au premier
aspect, mais qui a bien son importance dans l'histoire. Ainsi,
lorsque nous lisons dans Tacite (1), que la fortune de Sénè-
que était de Ter millies sesterlium, acquis dans l'espace de
quatre ans, ce chiffre ne dit absolument rien a notre esprit;
mais si nous apprenons qu'il représente soixante millions
de francs, alors les réflexions se pressent en foule et nous
 savons ce qu'il faut penser des belles phrases du philosophe
romain sur le mépris des richesses.
    Nous n'avons pas la prétention de faire un traité ex pro-
fesso sur la valeur des monnaies romaines, ni sur les altéra-
 tions qu'elles ont subies pendant les guerres puniques. Nous
 nous garderons surtout de remonter jusqu'aux doctes re-
cherches de Guillaume Budé (2), de Juste Lipse (3), de Jean
Frédéric Gronovius (4) et autres savants qui, les premiers,
 ont porté la lumière au milieu de tant d'obscurités, mais
 qui, aujourd'hui, ont le tort d'avoir pris pour point de com-
 paraison des monnaies étrangères à notre époque et même
 quelquefois à notre pays. Notre tâche se trouvera bien sim-
plifiée en consultant de préférence les travaux plus récents
 d'Alexandre Adam, savant écossais et de M. Letronne, mem-
bre de l'Institut. Ce sont eux qui vont nous fournir l'évalua-
 tion du sesterlius qu'il ne faut point confondre avec le sesler-
 tium valant mille fois plus. C'est ce scslertius qui doit servir
 de base à tous nos calculs. Alexandre Adam en fixe la valeur
 'a 1 den. 3. 3/4 sterling, soit 19 centimes 15/40. M. Letronne
 la porte à 20 centimes et demi. Entre ces deux évaluations,
 qui, comme on le voit, ne s'écartent guère l'une de l'autre,
 nous croyons devoir adopter un moyen terme, soit 20 cen-
 times. Ce chiffre qui ne doit pas s'éloigner beaucoup de la

  (1) Annal. XIII, ch. 42. — (2) De Asse. — (3) De lie numaria. — (4) De
Sestertiis.