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166 CHRONIQUE LOCALE. du négociant se délassant des affaires avec le burin, la plume ou le pinceau ; combien d'autres encore! I.à sont nos pertes, là est l'objet de notre douleur, là est le malheur qui nous fait dire: Lyon s'en va, Lyon n'est plus ; c'est par la disparition de ces concitoyens à vaste savoir, à grand talent, à beau caractère que Lyon perd sa physionomie particulière et le rang qu'ella avait dans le pays. Il faut pour nous consoler, non au point de vue du cœur et de i amitié, mais au point de vue de l'art, compter les hommes illustres qui nous restent et apprécier les œuvres qu'ils créent pour leur gloire et pour celle de la cité. Les belles éditions, les grandes peintures, les beaux monuments éclosent encore; les églises et les palais rivalisent d'élégance et de beauté avec les modèles les plus achevés; un peuple de statues est créé par d'habiles ciseaux, les savants approfondissent et révèlent les secrets de la science et les poètes chantent, suivant leur génie, l'idéal ou la réalité. Un d'eux, un nouveau venu dans la carrière, a eu la plus auda- cieuse pensée qu'un poète pût avoir, celle de traduire dans notre langue sourde et rocailleuse, les beautés du plus sublime des prophètes hébreux. A la nouvelle que M. Louis Perrin venait d'im- primer avec un luxe et un soin particuliers et M. Seheuring d'édi- ter : Les valons d'haïe fils d'Anws, traduites en vers français par Vabbè Chabert, chanoine d'honneur de Lyon et de Troyes, curé de Notre-Dame de Saint-Louis, ce fut un mouvement général d'in- quiétude et de crainte ; on pensait qu'il n'était pas possible avec nos moyens factices modernes et notre faible haleine de suivre les grands aigles de l'antiquité dans ces régions élevées où ils se plaisaient et surtout ceux qui volaient aux pieds de l'Eternel ; le public n'est même pas encore revenu de son étonnement et il faudra lui dire plus d'une fois : Prenez et lisez, pour qu'il ose ou- vrir le livre d'Isaïe traduit en vers français, et pourtant il trouve- rait dans ces pages sacrées des passages tels que celui-ci écrit dans une langue inconnue aux Banville et aux Baudelaire : Vous, dent l'esprit chancelle et balance, incertain, Répondez-moi : Qui donc, dans le c e u x de sa main, A pu cotnpier des mers les gouttes innombrables, Et, mesurant des cieux les champs immensurables, Atteindre, d'un seul palme, au bout de l'univers ? Qui pesa les soleils et les mondes divers? Soutient, avec trois doigts, ]a terre dans l'espace ? Des collines, des monls équilibra la mas e, Comme d'une balance on suspend les bassins, Et comme enf n, du sah'e on y pèse les «ra : ïis? A qui l'esprit de Dieu, lorsqu'il créa ses œuvres, Demanda-t-il conseil ? Quels furent ses manœuvres, L'aide qui de son bras lui prêta le secours? Qui des ci eux, avantlui, saval régler le cours ? Qui fut son chef, son maître, et de quel architecte Le Seigneur apprit il à construire un insecte? D'où lui vient la sagesse et le profond savoir Qui brillent dans son œuvre, autant que son pouvoir ? 0 vous, qu'atteint le doute, esprits vains et frivoles! Sachez quel est celui dont les douces paroles Dévoilent aujourd'hui l'avenir à vos jeux : C'estle Dieu tout-puissant de la terre et des eteux. \