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84 QUERELLE DES ANCIENS de faire voir que la question, dans l'origine, n'avait été posée que d'une manière incomplète et attaquée que dans une seule de ses parties, et qu'elle peut être envisagée sous de nou- veaux points de vue aujourd'hui qu'elle s'est en quelque sorte généralisée : l'homme de lettres n'y est pas seul mis en cause; c'est encore le savant, le médecin et le philosophe qu'on y a fait intervenir, » Les anciens, dans un sentiment de respect pour les an- cêtres, avaient imaginé la fable des quatre âges de l'huma- nité, qu'Ovide, dans ses Métamorphoses, a chantés en fort beaux vers qui sont connus de tout le monde; et, dans une véritable pensée filiale, leur siècle était toujours l'âge d'airain ou l'âge de fer, tandis que l'âge d'or et l'âge d'argent avaient été l'apanage de leurs pères ; les poètes grecs sont pleins de ces images ; cette vénération s'était traduite dans les mœurs a Lacédémone par un respect extrême pour la vieil- lesse. Horace, après avoir en maints passages exalté les siècles antérieurs, personifie sévèrement la décadence des générations que de son temps on appelait modernes : Damuosa quid non imminuit dies ? OE'.as parcntum , pejor avis, lulit Nos nequiorcs ( od. 6, liv. 3 ). Il n'est rien que le temps ne change et ne vicie (L. Duchemin) Nos pères ont laissé des fils indignes d'eux (Daru). Cette fiction des quatre âges du monde était le fruit du culte que les anciens professaient pour les générations qui les avaient précédés ; et ce culte a rempli toute leur littéra- ture : il servait d'inspiration dans la 'poésie et l'éloquence ; c'était comme un dogme dans leur philosophie et leur morale. Les modernes, il faut bien l'avouer, ont quelque peu chan- gé tout cela : le culte a disparu, l'inspiration s'est portée