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ET DES MODERNES. 85 ailleurs, et la vénération a changé d'objet, si même on ne doit pas dire que c'est là un sentiment qui tend de plus en plus a disparaître des société modernes. Dans notre amour immodéré du changement et de l'inconnu,ce qui captive,ce qui entraîne les masses, ce n'est pas toujours ce qui est beau et bien, c'est surtout ce qui est nouveau. C'est en vain que quelques individualités résistent, elles sont emportées par le courant général; C'est en vain que des voix crient que faire autrement ce n'est pas faire mieux, et que cette manière engendre le médiocre et le mauvais qui envahissent toutes les issues de l'intelligence et corrompent le goût et le bon sens ; n'importe ; la nouveauté c'est la seule devise qu'il faut adopter. Tel est l'arrêt de la mode, qui règne en autocrate et gouverne en tyran. Il faut détourner les regards de ce qui est déjà connu, et jeter au rebut tout ce qui porte'une date. Il est beaucoup d'esprits de nos jours pour qui anti- • quité est synonyme de vieillerie, et bien des oreilles pour lesquelles le mot ancien résonne comme le mot suranné. La mode, disons-le pour être juste, n'est point ici la seule coupable: nous vivons dans un siècle qui s'est orgueil- leusement proclamé le siècle des lumières ; le temps actuel doit éclipser tous les autres, et les hommes , qui ont le bonheur d'y vivre, valoir incontestablement mieux que tous leurs ancêtres. On est fier des admirables progrès de la seience contemporaine; on est fasciné par les merveilles des arts et de l'industrie. Une époque aussi favorisée du ciel, qu'a-t-elle besoin des siècles passés, et que peut-elle avoir à leur demander («)? ne se suffit-elle pas à elle-même ? (o) Fontenellc, qui dans sa longue carrière a représenté l'opposition du 17 c ctdu 18 e siècle, s'exprime ainsi : « Qucles admirateurs des anciens y pren- nent un peu garde, quand ils nous disent que ces gens-là sont la source du bon goût et de la raison, et les lumières destinées à éclairer tous les autres hommes,.. » Pour lui ce n'est là qu'un paradoxe ; et il discute cette opi-