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LETTRES BADOISES. 423
3 Septembre. Aujourd'hui, si vous n'êtes pas fatigué, nous
allons nous diriger vers la forêt. Nous voici déjà arrivés à sa
lisière: tandis que derrière nous, le jour trône dans les hauteurs
lumineuses du ciel, devant nous, Ã partir du premier rideau
de verdure, s'étend un crépuscule frais et mystérieux qui an-
nonce l'entrée du temple ; c'est un temple en effet, et solennel,
que s'est bâti le Dieu, architecte sublime de la nature. Nous y
pénétrerons avec le pas grave, et les dispositions recueillies
d'un Druide. Le veslibule est ordinairement défendu par une
ceinture de broussailles, où les framboisiers étalent leurs
fruits rouges, les genéls, leurs verges parfumées, la fougère
ses rayonnantes palmes, la bruyère, ses gracieux épis de
fleurs roses; tandis que les sapins envoient de leurs feuilles
aciculées, et de leurs bourgeons de résine, les plus aroma-
tiques senteurs. De jolis oiseaux : pinsons de montagne,
mésanges grises ou bleues , bouvreuils au gros bec, voltigent
sans frayeur, le merle seul, étourdi et peureux, s'envole
brusquement, avec un sifflement qu'il va terminer en rou-
lade , dans l'épaisseur du fourré. Mais comme ici la forêt est
dans la montagne, et la montagne dans la forêt, armons-
nous de courage; tout en marchant sur un tapis glissant et
élastique qui rebondit sous nos pieds, escaladons ces degrés
de granit dont les fractures sont cachées sous un inextricable
réseau de racines et de mousses. Les champignons qui s'y
blottissent, lèvent leurs petites têtes rondes, et semblent nous
regarder amicalement. A présent, voici le peuple des grands
végétaux : la charmille aux longs bras, l'érable à la large
feuille, le chêne couronne des forêts, l'imposanle colonnade
des sapins. Les sapins au tronc gigantesque sont les vrais en-
fants du nord ; fiers et tranquilles sous leur lourd bonnet de
verdure, ils n'ont que l'apparence de l'immobilité ; chez eux
aussi, la vie mobile, l'énergie tempestueuse semble s'être
toute réfugiée à la lête , la tôle élevée , pleine de souffles et