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LETTRES BAB01SES. 419
honnête et sifidèle,lu méritais un meilleur sort! Dans ta patrie,
qui est celle de la science, où une culture raffinée fait, dans le
domaine de l'intelligence, pousser les produits les plus divers,
ne vienl-il point de moissons pour toi? Que font donc tes
savants? Ils font de gros livres scholastiques et des systèmes
tous plus ingénieux les uns que les autres ; en théories et en
catégories ils sont les maîtres du monde , de Dieu et des
hommes; en réalité, les plats valets de sa Grâce, le gnâdigsler
Freiherr de leur endroit. Comment en serait il autrement
lorsqueMeidinger, dans la quinzième édition de sa grammaire,
publiée après 1830, consacrait trois ou quatres pages aux
titres de noblesse, sous cette rubrique: « Quelques politesses
que les Allemands observent dans la conversation et surtout
dans le commerce des lettres.» Pour moi, j'avais une forte
envie de rire chaque fois que la pâtissière me recommandait ses
gâteaux aux épices, comme ceux que faisait prendre madame
la Comtesse de et je répondais: Je les crois excellents et
d'une noble pâle, mais je les trouve trop poivrés : Mon Dieu !
qu'elle bouche a donc cette chère Comtesse !... Je n'oserais
rapporter toutes les plaisanteries que fit dans son temps, ce
pauvre Bcerne, sur la noblesse allemande, notamment sur les
eaux deSoden, sur certaine basse cour, qu'il comparait avec des
hautes cours, sur la morgue des oies d'icelle, chassant à coup
de bec , avec des gloussements d'indignation lesoies roturières
qui cfsaient s'introduire dans la « hochgeboren, hochwûrdi-
gen » assemblée ; etc. etc.
1 er Septembre. Ces jours passés, las des walses et des polkas
du régiment Benedeck, j'allai me promener le soir sur la
roule de Gernsbach, resserée entre les monlagnes et les bois.
Je laissai le petit ruisseau qui trottine en chantonnant dans la
prairie sinueuse, et je gravissais les hauteurs. A une certaine
élévation, les bouffées du vent d'ouest m'arrivaient chargées
d'ondulations sonores. Le son des instruments adouci par la