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378 PRÉCOCITÉ N'EST RIEN, Moi, je glisse dans l'air sur mes ailes rapides l La nature, pour moi, change sa volonté; Je suis son fils aîné ; j'ai l'immortalité ! —Pas si haut, mes seigneurs, dit alors un vieux chêne ; Ne vous vantez pas tant car vous vivez à peine. Quiconque a, comme moi, pendant longtemps vécu, Y voit plus clair ayant beaucoup plus vu. Je vous prédis le froid, et pour la nuit prochaine.... Et Dieu sait, mes amis, ce que vous deviendrez ! — Deux voix, faisant chorus, dirent : Vous radotez ! — C'est ainsi que, souvent, une jeunesse folle Clôt la bouche au bon sens d'une seule parole ; Mais le vieux chêne en présage était fort; Ce n'était pas en vain qu'il prédisait un sort! Midi sonnait au clocher du village, Et le ciel, tout-à -coup, se voila d'un nuage, En bise, vers le soir, le zéphyr se changea, Et, dans la nuit, devinez qui gela? Si l'on me dit : — Voyez donc, pour son âge, Le magnifique enfant! qu'il est grand! qu'il est beau! Et si je vois l'esprit bégayer au berceau, Et qu'un tendre papa proclame le prodige, En secret, dans mon cœur, à raison je m'afflige. Je dis tout bas : — hélas ! tant pis ! — Ce n'est pas au printemps que sont mûrs les bons fruits ! Charles MICHEL.