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358                        LETTRES JiADOISES.

son nom sur la tour du Munster, la légende transcrite par
Ulhand, le poète souabe, dit que des étincelles jaillirent des
pierres et que la tour trembla jusqu'à la base, car ce nom
était celui de Voltaire ; puis, quand les tambours des volon-
taires de 92 battirent la charge vers le Rhin et que les voûtes
saintes frémirent à l'écho de la bruyante Marseillaise ; et,
plus tard, quand gronda sur tous les champs de bataille de
l'Allemagne le canon de l'Empire... non, il n'y a plus
de repos possible ; plus de repos pour les morts, pour les
morts de la vieille foi, jusqu'à ce que les ouvriers de la
foi nouvelle aient bâti, plus haut encore que la tienne, 0
Erwin, la cathédrale de l'avenir ! (1).
   De Strasbourg à Bruchsal, j'ai fait route avec une An-
glaise dont je suis resté, je l'avoue, tout à fait épris. Celle-ci
était d'un âge mûr, grande, sèche et maigre, mais ses yeux
avaient une expression de douceur ineffable ; puis elle por-
tait avec tant de précautions son grand sac noir sur ses ge-
noux, comme une mère son enfant ! Dans ce sac , il y
avait, comme je l'ai su plus tard, quantité de mémoires et
de brochures sur la folie, les établissements et le traitement
ad rem. Celle personne, possédée elle-même d'une idée fixe
mais sublime, court le monde depuis plusieurs années en
compagnie d'un médecin, son aide de camp dans celte cam-
pagne philanthropique. Nous causâmes beaucoup de fous et
de folie, depuis la manie amoureuse jusqu'au delirium tre-
mens de l'ivresse. Mon Anglaise connaissait tous les fous de
l'Europe, ayant visité tous les hospices du monde civilisé.
En ce moment, elle venait du bel établissement de Stephans-
feld et se rendait en toute hâte à Sluttgard dont l'hôpital
venait de réaliser je ne sais quelle réforme. Cette femme a


   (1) Il est bien entendu que nous laissons à l'auteur la responsabilité de
ses opinions philosophiques et religieuses.           [Note du Directeur).