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               DE LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE.               285

raillerie de Pascal, qui faisait injurieusement du droit une
question de méridien, il en faudrait ajouter une autre mille
fois plus douloureusement mortifiante qui ferait de la félicité
ou de l'excellence morale des hommes une pure question
d'horloge et de chronologie. Tant pis pour vous, semence
humaine ! vous avez germé huit ou dix mille ans trop tôt.
Que ne dormiez-vous dans votre néant jusqu'aux âges pri-
vilégiés où il fera bon éclore sur la terre. Venez dans vingt
ou trente siècles si vous voulez être heureux et pur. Ces
philosophies a la recherche du progrès indéfini et du bonheur
ne font en quelque sorte que renverser ainsi le masque de
la fatalité antique. La fatalité des anciens partait de l'âge d'or
et conduisait durement les races humaines dans les âges
subséquents d'une dépravation toujours croissante. Elle a
été célébrée par les vers si connus d'Horace :
               Mtas parentum, pejor avis, tulit
               Nos nequiores, mono daturos
               Progeniem vitiosorem.

    La fatalité des modernes a cru faire mieux en prenant
le rebours, en mettant devant l'âge d'or.qui était derrière,
et en choisissant le bonheur pour but au lieu de point de
départ. Hélas ! ce remaniement sert de peu. Comment ne
s'aperçoit-on pas que la fatalité est toujours injuste et cruelle.
Qu'importe si dans un système ou dans l'autre il y a tou-
jours.des races fatalement condamnées, que vous les mettiez
a la fin du défilé historique ou au commencement ! n'est-ce
pas aux yeux de la raison une superstition égale ? On voit
toute la folle peine que prennent ces théories de perfectibilité
illimitée pour destituer, sous prétexte de l'expliquer mieux,
la Providence.
    Mais que sera-ce si maintenant nous nous enquérons de
la possibilité du but ? Pour en bien juger, il faut nous trans-
porter à grande distance, En franchissant nombre de siècles