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                   VISITE A SANT' ONOFRIO.                    97

qui n'est peut-être que la faculté d'aimer et de souffrir immen-
sément développée ! Quel charme inconnu nous attache à
certaines pages merveilleuses, nous les fait relire, y ramène
sans cesse les générations et leur y fait trouver un immortel
attrait? Des traces de sang, des traces du sang de l'âme ; des
cris de torture répandus çà et là et perçant le voile des
fictions; les cicatrices de luttes terribles avec l'ingratitude,
les déceptions, la destinée, entre l'idéal et la réalité! Hélas !
un peu de férocité reste inhérent a la race humaine déchue !
Tout civilisés que le christianisme nous ait faits, nous aimons
encore les combats de gladiateurs, la vue du sang et des
blessures, les râlements d'agonie, et la douleur fièrement
supportée ! Seulement nous plaçons dans les régions immaté-
rielles l'arène de ces combats et de ces jeux cruels. Qui sait
ce que les yeux aveugles du vieil Homère avaient versé de
larmes et toutes les douleurs que cachaient ses cheveux
blanchis ! Comme Priam peut-être il baisa suppliant des mains
couvertes du sang de ses fils ! Il mit une lyre brillante entre
les doigts du chantre d'Alcinous, ainsi que lui privé de la
lumière, et l'aspiration d'Ulysse vers les rochers d'Ithaque
trahissait sans doute les regrets du vieillard errant et pauvre
vers ses rives natales et ses foyers perdus ! De grandes tris-
tesses, des affections malheureuses probablement donnèrent
au doux Virgile cette ineffable mélancolie qui est demeurée
le plus grand charme de ses écrits. Sans la disgrâce amère
du grand roi, Racine aurait tracé en traits moins fiers et moins
sublimes le caractère du grand-prêtre des Hébreux. De la pas-
sion fatale du Tasse sont nées ses pages les plus aimées : le
céleste épisode d'Olinde et de Sophronie, la mort de Clorinde,
le désespoir de Tancrède, la tendresse fidèle et méconnue
d'Herminie. Si Torquato eût vécu plus longtemps, et si la
force d'écrire lui fût restée après toutes ses infortunes, de
quel poème divin il aurait ébloui la terre ! On ne peut mesurer
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