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92                   AU PAYS DE FOREZ.
Jamais je n'ai subi les orages du cœur
Sous ces rameaux sacrés dont j'aspirais la sève ;
Dans nos sentiers amis, quand je retourne en rêve,
Je n'y revois passer que ma mère et ma sœur.
Ignore, ô cher pays ! mes vers et mon nom même,
Mais donne-moi ma part de soleil et d'air pur;
Où l'on se sent heureux, il est doux d'être obscur :
Garde-moi seulement le cœur de ceux que j'aime.
Si pourtant de l'oubli mon œuvre se défend,
S'il s'attache à mon ndm quelque gloire modeste,
Alors, rappelle-toi que je suis ton enfant,
Que tu m'as fait poète, et que l'honneur t'en reste.
Donne à mon souvenir quelque humble monument ;
Que la mort me ramène en un lit que j'envie,
Au pied des monts si chers d'où m'a chassé la vie,
Et vers qui mon espoir s'élance à tout moment.
Là, j'ai rêvé la tombe où je voudrais descendre ;
Là, d'avance, implorant le suprême repos,
Je voudrais rapporter la maternelle cendre,
Pour que les os des miens s'y mêlent à mes os.
Toi, dont le vieux granit survit à tous les marbres,
Terre où nous dormirons dans l'éternelle paix,
Fais sur nous verdoyer tes gazons plus épais ;
Fais, dans l'air frémissant, chanter tes plus grands arbres.
Que tout, ruches et nids, fourmille en ce beau lieu ;
Que la vie en sa fleur fête ma sépulture,
Pour que mon âme encore entende au sein de Dieu
Tes voix que j'essayai de traduire, ô Nature !
                                   VICTOR DE LAPRADE.