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50                    LE PÈBE DE LA CHA1ZE.
    Le bonheur nouveau et inespéré dont elle jouissait fut de
courte durée. A son retour d'Alsace et de Bourgogne, en 1683,
elle tomba dangereusement malade. Le roi, debout près de son
lit, fondait en larmes ; madame la dauphine demandait avec
sanglots qu'il lui fût permis de recevoir la bénédiction suprême
de sa mère ; la désolation était peinte sur tous les visages.
   La reine s'aperçut du profond désespoir du roi. « Elle lui
demanda si elle était en danger; il se contint et lui répondit
que non, mais qu'on ne pouvait voir souffrir une personne qu'on
aimait. »
    Comme le danger était extrême, le roi sortit précipitamment,
se rendit en toute hâte à la chapelle, fit enlever tous les flam-
beaux de l'autel, et ordonna de porter sur-le-champ le viatique
à la reine,
   Le Père de la Chaize,*qui fut appelé (1) à rendre les derniers
devoirs à sa souveraine, « n'omit rien, dit la Beaumelle, pour
rendre utile au salut du roi le spectacle qui le frappait si vive-
ment. » La princesse reçut de ses mains, avec ferveur, cette der-
nière communion, et, après avoir tiré de son doigt un anneau,
elle l'offrit à madame de Maintenon, en présence de Louis XIV.
« La parole expira sur ses lèvres, » et elle rendit le dernier
soupir.
   Le roi, qui appréciait mieux alors que jamais tous les mé-
rites de Marie-Thérèse, dit les larmes aux yeux : « Depuis vingt-
trois ans que nous sommes ensemble, voilà le seul chagrin qu'elle
m'ait donné. »
  Six jours après cette scène de deuil, le Père de la Chaize écri-
vait la lettre suivante au Général de la Compagnie de Jésus :
                             A Fontainebleau, le 6 Août 1683.
     Mon très-Révérend Père,
  La perte que nous venons de faire de la meilleure Reyne du
monde, à qui j'ay eu l'honneur de rendre les derniers devoirs,
nous doit estre plus sensible qu'à tous les peuples qui la regret-

  (1) Mémoires pour servir à l'histoire de madame de Maintenon et à celle
du siècle passé, par M. de la Baumclle, 1757.