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18 CORRESPONDANCE INÉDITE de romans pieux, où, par le moyen de la fable, il espérait faire passer les leçons du devoir et de la vertu. En résumé, comme instituteurs de la jeunesse, comme prédicateurs et di- recteurs des consciences, les Jésuites obtenaient à Bourg un succès incontesté qui les plaçait au-dessus de toute comparai- son, et partant de toute concurrence. Nos Dominicains, au contraire, voués à une règle plus claustrale, plus austère, s'assimilaient moins avec la foule ; ils faisaient de la théologie et des saintes écritures l'objet presque exclusif de leurs études, estimant à un point de vue tout à fait subalterne la littéra- ture, la poésie, en un mol tous les arts qui relèvent de l'i- magination. Leurs prédications substantielles, logiques, mais dépourvues d'onction et de charme effrayaient le pécheur sans l'amener à résipiscence. Ils pouvaient bien instruire, édifier leurs auditeurs, mais ils ignoraient l'art de toucher les cœurs, de gagner les sympathies, d'agir sur les volontés. Ils apportaient, en ce qui touche au culte de la sainte Vierge, si cher de toute ancienneté aux habitants de Bourg, des res- trictions pénibles, offensantes même pour les fidèles. Parti- sans exclusifs et intraitables des doctrines de saint Thomas d'Aquin, ils soutenaient avec obstination que la Mère de Dieu avait été conçue dans le péché originel, pendant que le clergé et la population au milieu desquels ils vivaient professaient d'instinct et de conviction la doctrine de l'immaculée concep- tion, doctrine du reste invariablement adoptée depuis plu- sieurs siècles dans toute l'étendue du diocèse de Lyon et des diocèses voisins. Indépendamment de celte dissidence fâ- cheuse, ils avaient eu de fréquents conflits avec la municipa- lité de Bourg, dans lesquels ils avaient constamment déployé la plus grande âpreté. Tout cela n'était pas fait pour leur concilier la bienveillance et les sympathies delà ville et spé- cialement pour faire accréditer leur proposition relative au collège.