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    Lecouvent et ses dépendances furent vendus comme biens na^
 tionaux, pendant la Révolution, à M. Ch.... qui en a fait
 une espèce de ferme-modèle.
    Demain, si vous voulez , continua M. Ch.... qui me narrait la
 fin tragique des religieux de Val-Croissant, nous irons faire une
 reconnaissance jusque là-haut, il n'y a que trois heures de mar-
 che. Vous verre? en route les plus belles forêts du pays, et du
 sommet de la montagne un des panoramas les plus étendus du
 Dauphiné. —Bien mieux, lui dis-je, je veux coucher dans la
 grotte de l'abbé , j'y ferai de beaux rêves.
    Le lendemain avant le jour nous étions en route; M. Ch....
 était escorté de son fils, hardi et infatigable chasseur. Je les
suivais le sac au dos, le bâton ferré à la main ; et à sept
heures nous arrivâmes presque au niveau des dernières vé-
gétations. Je nettoyai l'intérieur de la grotte des herbes que
le vent ou les ours y avaient apportées, je déposai dans un
 coin un panier plein de mets froids, et je me préparai un lit
de fougères sèches. Puis nous abattîmes, avec une hache de
voyage , de grosses branches de sapin mort et d'épaisses brous,
sailles, pour faire du feu à mes pieds pendant la nuit.
    Si vous entendez du bruit, me dirent mes guides, n'ayez pas
peur, car les ours craignent la lumière, et d'ailleurs il n'y a
pas d'exemple dans le pays qu'ils aient les premiers attaqué un
homme. — Je leur dis adieu après les avoir remerciés , et je ren-
trai seul dans ma tanière, non sans soupirer profondément.
Mon cœur se serra de plus en plus à mesure que le jour s'a-
vançait ; de mélancoliques idées me revenaient à chaque instant
plus serrées et plus tristes. Une crainte vague à laquelle se mê-
lait un vif sentiment de bonheur calme et d'indépendance, me
fit penser jusqu'au soir à la grandeur de mon isolement, et
me rendit incapable de mettre à fin un travail de quelque
durée.
  Je courus sur ces rampes calcaires qui sont comme les de-
grés du piédestal de Glandas, ce gigantesque monument laissé
par lés eaux diluviennes ; je m'enfonçai de solitudes en solitu-
des , sans but, sans autre désir que celui de voir, ou plutôt de
changer de place. J'eus à peine la patience de tracer quelques