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463 graisse ses succulens filets et ses jambons parfumés des plantes savoureuses des Alpes. Ailleurs, de solitaires cabinets de travail retentissent sous la respiration appliquée de l'érudit ; à sa droite, les archives à sa gauche les antiquités romaines, les marbres , les médailles , locales ; ici les vélins enluminés, les romans, les lois du 13e siècle. Là les meubles gothiques , les armures rouil- lées, partout du silence et du loisir. Chacun se laisse aller à ses inspirations. Car l'abbé est complaisant : trahit sua quemque vo- luptas. A chacun l'accomplissement de ses souhaits actuels et l'oubli des choses passées. Cependant sur tous se répand la bé- nédiction du Seigneur et l'espoir d'une béatitude éternelle. Et ne les dérange point qui veut dans leurs occupations paisibles, ces braves fainéans ; l'ordre d'un archevêque, un provincial, un chef d'ordre , un pape, ne leur arrivent point brusquement à la suite d'un dîner; ils ont prévu le cas , car ils redoutent les diges- tions troublées ; ils ne craignent donc plus qu'une bulle les arra- che en sursaut, celui-ci à la contemplation d'une truite au bleu, celui-là à la lecture laborieuse d'un manuscrit palimpseste. Ils sont en mesure dans leur vallée circulaire ; avertis de tout à l'avance, ils voient tout venir ; car ils ont des sentinelles avan- cées Ils vivent donc heureux dans leur retraite ; et qui ne le serait comme eux, sous ces cloîtres au long desquels se profile mille fois la colonne bysantine avec son plein ceintre et ses cha- piteaux variés -, ils ont de bons murs bien épais au dehors, con- tre l'avalanche et les hordes de soldats pillards ; un torrent d'eau limpide roucoulant à la porte du monastère ; un potager gras et abondant, de riches dotations et une trésorerie bien meublée. Tout cela est à l'abri au pied de la chaîne boisée de Glandas, qui jette une ceinture verte, large de trois mille pieds autour des murailles blanches du couvent. Ils mènent donc joyeuse vie, les bénédictins, banquetant le plus possible , étudiant par hasard, lisant quelquefois leurs bréviaires , mais buvant toujours frais, riant à propos, et priant Dieu... quand sonnent les cloches. Tout par un beau matin la douce monotonie de leur vie fut troublée bien sottement, par je ne sais quel impudent écuyer qui leur apporta l'ordre brutal de quitter le cloître. Il va sans dire que les cuisines, offices, caves et trésoreries étaient com-