Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                 315
           Que le bruit du torrent, et la voix isolée
           Des pâtres attardés regagnant les hameaux ;
           Ne pouvant ine résoudre à me séparer d'elle ,
           Comme si, loin de moi, sa cendre encor fidèle
           Jusqu'au sein du trépas dût se plaindre el souffrir,
           D'un pan de mon manteau je me couvris la tête ,
           Et me laissant tomber sur la pierre muette,
           Je murmurai son nom et je voulus mourir—

   La seconde partie est peut-être plus dramatique ; le poète s'a-
bandonne à un nouvel a m o u r ; mais si le premier fut court et
laissa de longs regrets , celui-là n'a qu'amertume : l'infidélité en
est le prix et le dénouement en est tragique ; c'est un suicide. Au
reste, ce serait mal comprendre l'ouvrage, que de croire que ce
n'est qu'un recueil d'épîtres amoureuses : plusieurs genres y sont
traités, et les pièces de choix y sont en bon nombre. Celle A une
Infidèle est remarquable par la mélancolie qu'elle respire et le
pathétique que l'auteur a su y répandre ; c'est une de ces élégies
qu'on ne saurait lire sans être attendri , et q u i , comme le dit
Lamartine :
                Attirent une larme au bord de la paupière.
    On trouve un contraste dans l'Infidélité, qui semble devoir être
le même sujet: autant il y a d'amour et de dévouement dans la
p r e m i è r e , autant il y a de dépit et de courroux dans celle-ci.
L'une est d'un amant délaissé qui ne laisse pas d'aimer jusqu'au
tombeau; l'autre estd'un cœur blessé qui ne pardonne pas , et qui
se révolte à la seule pensée de l'infidèle ; elle est pleine de verve
et de ressentiment, et offre une touche et un genre remarqua-
bles. Nous regrettons que l'espace ne nous permette pas de la re-
produire.
    M. Eugène Faure comprend l'art ; il n'est pas de ces auteurs qui
s'essoufflent à tourner quelques s t r o p h e s , et dont la verve est
épuisée au bout de 40 ou 50 vers ; c'est un poète de plus longue
haleine, il fournit largement sa c a r r i è r e ; il fait bien le vers el
manie habilement la strophe. Son livre parle souvent au cœur,
et il connaît plus d'un chemin pour y arriver. Son style est large,
riche en images et en pensées : ses comparaisons surtout revien-
nent à propos et avec goût.