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De mes regrets premiers adouci l'amertume ;
Le souvenir s'était par degrés effacé :
J'étais comme l'oiseau qui reprend son ramage
Et secoue au soleil son humide plumage,
Aussitôt que la nue orageuse a passé.
C'est qu'après tant de nuits si lentes et si sombres .
Après tant de soleils obscurcis de tant d'ombres,
Sur mon ciel solitaire et de crêpe tendu,
J'avais vu se lever une étoile nouvelle ,
Une femme , ou plutôt un ange ; c'est qu'eu elle
J'avais tout retrouvé ce que j'avais perdu.
L'espérance, depuis si long-temps endormie,
Commençait à renaître à cette voix amie ;
Elle, avait sur mes maux versé l'huile et le vin ;
Mon ame en son amour s'était réfugiée
Comme en un port tranquille où, des vents oubliée ,
Elle pourrait du jour attendre en paix la fin.
Eh bien! avant le soir de sa vingtième année,
Comme une jeune fleur que l'orage a fanée,
Je l'ai vue incliner son front et se ternir ;
Et laissant ici-bas mon ame désolée,
Vers des bords plus heureux elle s'est envolée ;
Mes larmes, mes regrets, n'ont pu la retenir.
J'ai vu sa fosse, au pied d'un cyprès solitaire,
S'ouvrir ; j'ai vu charger d'uu lourd manteau de terre
Ce beau front que j'aimais, ces longues boucles d'or:
Et la foule écoulée , infortuné jeune homme,
Sur son corps enfoui.je me suis assis, comme
Un avare inquiet veillant sur son trésor.
Durant tout un long jour, sur sa tombe isolée,
J'ai demeuré muet et la face collée ;
Puis, maudissant la vie et blasphémant les cie ux,
Et dans mon désespoir meurtrissant mon front pâle ,
J'ai lavé de mes pleurs la pierre sépulcrale,
Jusqu'à ce que les pleurs aient tari dans mes yeux.
Enfin, lorsque le soir eut ramené son ombre ,
Que tout autour de moi devint lugubre et sombre ;
Que l'oiseau fatigué se tut dans les rameaux,
Et qu'on n'entendit plus, au loin dans la vallée ,