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305 Si le ciel en mon choix eut mis ma destinée, Je n'irais point courir de bureaux en bureaux, Vérifiant journaux, bordereaux, comptereaux. Je n'irais pas non p l u s , comme je fais depuis dix a n s , de p r o - vince en province. E t , quoique je sois maintenant très-heureux d'êlre à L y o n , où je trouve beaucoup d'agrément et une aimable société , j'aimerais mieux encore être dans le sein de ma p a t r i e , uniquement occupé des lettres. Voici, monsieur, puisque vous désirez l'apprendre , la raison qui m'en a arraché. « Quoique la médiocre succession de mon p è r e , partagée entre plusieurs enfans, eût essuyé dans la suite l'orage de fameux sys- tème , heureux pour quelques personnes et fatal à tant d'autres ; au lieu de songer à réparer ses m a l h e u r s , je ne songeais qu'à cultiver les Muses , et je regardais comme ma forlune une place à l'Académie française, à laquelle les anciens amis de mon père étaient résolus de me nommer. M. l'ancien évêque de Fréjus , qui le s u t , me demanda, et m'ayant parlé avec bonté , me représenta que je perdais mon t e m p s , et que je ferais bien mieux de songer à avoir de quoi vivre ; qu'enfin il me procurerait une place plus utile qu'une place d'académicien, à laquelle, pour le p r é s e n t , je ferais sagement de renoncer. M. de Yalincour me conseilla de m'abandonner à mon protecteur , q u i , en effet, parla pour moi à M. Fagon ; et au lieu d'être nommé à l'Académie , je fus nommé inspecteur des fermes, et depuis directeur. Ainsi, vous voyez que j« ne suis qu'un financier subalterne. « Mais j ' a i , comme vous le voyez, de grandes espérances. Puis- que mon protecteur, aujourd'hui M. le cardinal de Fleury, a d e - puis si bien fait son chemin, j'ai lieu de croire qu'il me fera faire le mien. Il continue toujours à m'assurer de sa bienveillance , et il paraît s'intéresser à moi (1). » Racine composa donc à Lyon son poème de la Religion , le 6 septembre 1731. Brossette, en écrivant à Rousseau, lui disait: « Je ne sais si je vous ai mandé que M. Racine le fils, auteur du poème de la Grâce, est établi à Lyon. J'appelle établissement, un mariage avantageux qu'il y a fait, et la direction des gabelles, à laquelle il a été n o m m é . Il vient d'achever un poème sur la (1) Lettres de Rousseau , tom. HT, pag. 205—9. 20