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300 marqua la joie que la compagnie avait eue de le recevoir et d'or- ner ses fasles d'un nom aussi respectable que le sien , clans la r é - publique des lettres. Le nouvel académicien ne fut pas un membre inutile , et ne se borna point au rôle d'auditeur. Le 1 e r août de la même année, il lut à l'Académie un mémoire sur la question de savoir : S'il est à pro- pos d'employer les divinités païennes dans les poèmes chrétiens , et le 28, novembre suivant, un Parallèle de l'Andromaque de Racine et de celle d'Euripide. (1) En 1730, il était directeur général des gabelles de notre ville ; il avait déjà publié son poème de la Grâce, à l'encontre duquel un malin fit cette épigramme : La grâce, on a beau dire, a sur nous tout pouvoir ; Nul ne peut résister à sa force divine ; Elle lira jadis saint Mathieu d'un comptoir ; Elle vient d'y placer le fds du grand Racine. Rousseau, de son côté, écrivait à Brossette, le 17 septembre i731 : «Ce que vous m'apprenez, monsieur, de M. Racine le j e u n e , m'a fail un grand plaisir. Je n'ai rien lu en v e r s , depuis le père et M. Despréaux , qui m'en ait fait autant que son poème, sur la Grâce; et tous ceux à qui j'en ai parlé ou écrit, me seront témoins que je l'ai regardé, dès ce temps-là , comme le seul écri- vain de notre temps , qui sût faire des vers. Je craignais qu'il n'y eût renoncé, et je regardais cette perte comme la plus g r a n d e , et même la seule de nos jours, qui méritât d'être regrettée. Ce que vous m'apprenez me rassure ; et puisqu'il continue d'écrire, il y a lieu d'espérer que le triomphe du mauvais goût ne sera pas de durée. Vous me donnez une grande idée d u p o è m e d e la Religion , en le préférant à celui de la Grâce. Au moins, quant à la versifi- cation , j'ai peine à croire qu'il puisse être au-dessus. Si les mœurs de l'auteur, comme je n'en doute point, répondent à ses t a l e n s , votre ville et vous , monsieur , avez fait la plus grande acquisi- tion qui se puisse faire aujourd'hui en Europe. Je vous en fais mes complimens, et vous prie de les faire pour moi à ce digne succes- seur du plus grand homme que la France ait jamais produit. » (2) (1) Breghot du Lut, Mélanges, torn. 1., page 256. (2) lettres de Rousseau sur différera sujets, tom. III, j>ag. 184.