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   Plus t a r d , le 5 octobre d e l à même a n n é e , Brossette disait à
Rousseau : « J'ai montré à M. Racine l'article qui le concerne dans
votre l e t t r e , et il a été très-sensible aux louanges que vous lui
donnez. Non-seulement il m'a prié de vous en faire ses remercî-
mens , mais il veut vous les faire l u i - m ê m e , et il m'a-fait promet-
tre que je ne vous envoie point ma lettre, sans y en joindre une
qu'il veut vous écrire. Comme je ne vous ai parlé qu'en général
des beautés de son poème sur la Religion, je crois que vous ne
serez pas fâché que je vous mette en état d'en juger vous-même
par quelques exemples. (1)
  Voici comment il décrit les merveilles de la nature dans le pre-
mier chant; c'est la Terre qui parle :
          Considère cet arbre , et l'art qui le fait croître ,
          Mon suc de la racine imbibe les canaux ;
          Le tronc qui le reçoit le rend à ses rameaux ;
          La feuille le demande , et la branche fidelle,
          Divisant son trésor , le partage avec elle.
          Avec le seul secours d'un bec industrieux ,
          Est construit des oiseaux le berceau merveilleux.
          Le père vole au loin , cherchant dans la campagne
          Des vivres qu'il rapporte à sa tendre compagne ;
          Et la tranquille mère, attendant ce secours,
          EchauEfe dans son sein le fruit de leurs amours.
          L'ennemi vient; tous deux défendent leur ménage ,
          Et dans de faibles corps s'allume un grand courage. (2)

   Voici la lettre de Racine , que Brossette annonçait à Rousseau ;
elle est datée de Lyon , 6 octobre 1731 :
   «M. Brossette m'a communiqué, m o n s i e u r , la lettre dans la-
quelle vous avez bien voulu lui parler de moi. Il m'a paru si sen-
sible à ce qui me faisait un véritable honneur , et & témoigné tant
d'empressement à me faire faire connaissance avec vous , que je
ne puis douter d'avoir en lui un ami véritable.
   • Vous avez raison de me regarder comme un déserteur des
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Muses, et d'être surpris d'apprendre que j'ai fait un p o è m e sur la
    (1) Comme ces vers ne sont pas tout-à-fait semblables à ceux qui sontimprimés,
 il y a apparence que la critique de Rousseau, qu'on verra dans sa réponse, ren-
 dit Racine plus élevé sur la rime.
    (2) Lettres de Rousseau, etc.,tom. III, pag. 190.