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29'4 L a noblesse a donc parfaitement choisi son gîte ; il corres- pond en tout point à ses habitudes de vie sociale, à ses exigèances1 de vanité. Par son éloignëmënt de la fournaise commerciale, ce quartier se prêle merveilleusement aux nécessités de la vie élé- gante. On peut s'y lever lard, parce que le sommeil n'y est point troublé par lés bruits de rue ; on peut saisir au passage chaque rayon d'un soleil d'hiver, parce qu'on a le temps de se promet her ; puis on se trouve réuni en c a s t e , en famille, en société dans le même r a y o n , presque dans le même nid. Toutefois il né faut pas conclure que dans ce nid, plus qu'en tout a u t r e , on vive d'une vie intime, patriarchale, avec esprit de c o r p s , bienveillance, réciprocité d'obligeance. A Bellecour comme aux Terreaux, Cd sont des hommes qui s'agitent sur la scène, et qui y montent avec leurs passions et leur mesquinerie. Là se reproduisent les misères de la société humaine sous d'au- tres masques et d'autres faces, mais avec non moins d'intensité et de variété. Là le primus iriter pares agite toutes les convoi- tises; là éclatent des divisions plus ou moins tranchées en opi- pinion politique, en mœurs sociales, en pratiques religieuses, et l'individualisme, triste épidémie d'une société égoïste et cor- r o m p u e , exerce aussi ses ravages contre ces hommes qui pré- tendent conserver la tradition du p a s s é , parce qu'ils en ont peut-être les vices et les ridicules. Sous la restauration, la lutte engagée entre les libéraux et les royalistes servait de ciment à toutes les opinions individuelles. Royalistes-raisonneurs, ullrà -royalistes, congréganistes, jansé- nistes, toutes les diverses nuances d e l à société bourbonnienne, trouvaient un point de rencontre dans les efforts d é p a r t i , dans une volonté commune, dans des intérêts identiques. Cela n'existe plus aujourd'hui : en politique personne n'est d'accord ; les uns admettent l'abdication , les autres non ; quelques-uns, las de res^ ter hors du mouvement du m o n d e , se sont arrangés de Louis- Philippe, du moins momentanément. Chacun se t r i e , s'épluche, se case suivant certaines Conditions dont on faisait autrefois le sacrifice dans les salons du préfet ou du général. Le grand lierl d'affinité se trouvant rompu, les classifications de société se sont établies suivant des similitudes ou des différences.