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  tait là, les cartes à la main ou autour d'un billard, qu'un jeune
  homme travaillait à son éducation. Aujourd'hui cependant on
  compte quelques hommes d'un mérite réel et quelques jeunes
  gens éclairés.
     L'espèce humaine se trouve partagée dans ce pays en deux
  classes plus distinctes qu'ailleurs. Il n'y a presque pas de tran-
  sition : on est bourgeois ou paysan, la noblesse ne formant plus
  que quelques rares exceptions. J'appellerai bourgeois tout ce
  qui vit de son revenu ou de son trafic, sans travailler à la culture
 de la terre, et paysan tout ce qui travaille de ses mains, pro-
  priétaires , ouvriers et journaliers. Parmi les premiers , un bien
  petit nombre a soin de se loger dans des habitations saines et
 commodes ; parmi les seconds, la grande majorité passe sa vie
 dans de misérables chaumières en communauté avec les animaux
 domestiques, dont elle partage le-sort et quelquefois la nourri-
 ture. Le plus mince bourgeois aura plus d'égard pour son chien
que pour un paysan , tant il se croit au-dessus delui. fin général il
le regarde comme destiné à travailler pour lui; aussi on se
 persuadera avec peine que l'ouvrière, travaillant à la fabrication
de la dentelle, unique industrie de ce pays , est estimée très-ha-
bile lorsqu'elle parvient à gagner de cinq à six sous par journée,
«et que le journalier qui reçoit quinze sous de salaire est très-
généreusement payé. Comment avec de telles ressources fournir
à leurs besoins et à ceux de leur famille ? La moitié de ces pau-
vres gens ne se nourrit que de pommes de terre et d'eau; heu-
reux encore lorsqu'il leur est permis de s'en rassasier! Epuisés
par le travail, abrutis par leur ignorance , c'est pitié de voir sur
leurs traits, l'expression de la douleur et de l'idiotisme ravaler
la dignité humaine ; et l'on s'étonne que ces êtres réduits ainsi
par la misère et les humiliations à la condition de la brute, con.
servent une haine invétérée, hargneuse et irréfléchie contre ceux
dont l'oppression les blesse à chaque instant! Lorsque vous vous
abandonnez à toutes vos mauvaises passions, vous dont l'édu-
cation a réveillé la raison, pourquoi vous élonnez-vous qu'ils cè-
dent à leur instinct, eux qui n'ont aucun moyen pour y résister ?
    Mais à quoi les leçons du passé sont-elles donc utiles i' que
sert au monde d'avoir vécu, puisque cette race qui s'agite au