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62 « Et ce noble et généreux ami, par qui elle a voulu trois fois être représentée, (était un homme de bien, excellent en tout, qui s'était consacré à d'importantes études, qui a rencontré la gloire sans l'avoir cherchée. « Dugas-Montbel fut un esprit aimable et conciliateur ; quoique voué à des tra* vaux d'inspiration et de persévérance, qui d'ordinaire exigent la retraite et sup- posent l'isolement, il n'était resté étranger qu'aux passions et aux inimitiés des partis. 11 savait les choses générales , il réfléchissait sur les idées du temps; à l'égal de tous les hommes éminensdu siècle, il vivait de la forte et puissante vie de l'hu- manité. C'est qu'il était profondément moral, religieux , chrétien. « Lorqu'il fut envoyé pour la première fois à la députation, c'était au mois de juillet 1850. Mais que viens-tu faire , mon noble et studieux ami? toi, messager de paix, tu viens te jeter entre les partis, et tu te trouveras précipité dans les entrailles d'une révolution ! a Toutefois, son courage n'a point failli, mais son courage l'a tué. « Mon trop confiant ami, je t'avais vu si heureux , si plein de vie intellectuelle et poétique, lorsque naguère nous visitions ensemble les ruines de Rome, le golfe et les îles de Naples , le plateau de Sorente ; lorsque nous faisions ensemble cette riche moisson de souvenirs qui devait nous suffire jusqu'à notre lin ; et voilà que tu accours vers le gouffre creusé par tant de fautes, toi, si innocent de toutes les fautes commises. Et moi, ami, tu m'as laissé sur le bord de l'abîme, pour te dire un solennel et dernier adieu ! « Ami de plus de quarante ans, je ne t'ai point perdu; nous nous trouverons dansles lieux où l'on ne compte ni les jours ni les années. En attendant, sois béni pour l'exemple que tu nous as légué, pour ta mémoire intacte, "pour tes travaux accomplis, pour tes veilles inachevées. « Ainsi, la ville de Lyon a immolé deux grandes et nobles victimes : Camille Jordan et Dugas-Montbel. « Qu'il me soit permis, en ce jour funèbre , de réunir dans ma triste pensée deux amis si chers à tous , deux amis qui furent eux-mêmes réunis dans la même pensée patriotique et religieuse. « Un pays qui peut immoler de telles victimes, des victimes d'une telle excel- lence, est un pays bien sûr d'accomplir sa régénération. » Après le discours de M. Ballanche, M. Alexandre de Laborde , questeur de la chambre, a retracé en quelques paroles fort ex- pressives la part que M. Dugas-Montbel avait prise aux travaux législatifs, durant sa trop courte carrière politique. Arrivé sur la tombe, le cortège était très-nombreux, et témoi- gnait par son religieux recueillement, toute sa vénération pour la mémoire d'un si excellent citoyen, d'un savant qui honore notre patrie à tant de titres.