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57 leurs bienfaiteurs. Jacquard se trouvait heureux de cet empressement, mais il n'en concevait aucun orgueil, t a gloire avait été pour lui une chose si laborieuse , elle était venue si tard et après tant d'amertumes, qu'il avait bien le droit de la- pren- dre en pitié. Jacquard s'est éteint, dans cette existence paisible, le ? ao'tt 1834, à une heure du matin. Le lendemain, quelques amis, un très-petit nombre d'admirateurs, accompagnaient sa dépouille au cimetière d'Oidlihs. Le 26 août suivant, le conseil des prud'hommes de Lyon ouvrait, par le don de deux cents francs, une souscription pour élever un monument à la mémoire de Jacquard. A l'heure qu'il'est (25 janvier), après six mois, etmalgréune im- mense publicité donnée au projet, la somme des souscriptions 'n'a pas dépassé douze mille francs! Douze mille francs dans cette grande manufacture qiri ex- porte, chaque année, pour cent vingt millions de produits! On ne dira plus, pour justifier l'égoïsme populaire, que les grands hommes Sont honorés du moins après leur mort. Mort ou vivant, Jacquard n'a trouvé dans sa patrie que la persécution , l'indifférence et l'oubli. Il a fallu que l'étranger nous enseignât son nom ; vous verrez qu'il se chargera aussi de lui élever un tombeau! Lé beau portrait en pied de Jacquard, par M. Bonnefond, pour la ville de Lyon , a été exposé au salon de 1854. LÉON FAUCHÉE. M. Pichard a prononcé sur la tombe de Jacquard le discours buivant : MESSIEURS , Avant qu'une voix éloquente fasse entendre, au sein des sociétés savantes, l'éloge de l'ami que nous pleurons, qu'il soit permis à un de ses collègues à la So- ciété d'agriculture , à l'un de ses alliés, de lui adresser, du bord de cette tombe, un dernier adieu, et de se rendre l'interprète de vos justes regrets, en décernant à sa mémoire |un tribut de louange. L'homme de bien, dont nous confions aujourd'hui à la terre la dépouille mor- telle , fut le bienfaiteur des ouvriers en soie de Lyon, par la simplification du métier destiné à la fabrication des étoffes de luxe. Il fut aussi le bienfaiteur de la cité lyonnaise , à qui il permit, par son heureuse invention , de soutenir toute es- pèce de concurrence dans ce genre. Il fut un de ces hommes instinctifs, qui, sans guide, sans secours, tracent de nouveaux sentiers à l'industrie, ouvrent de nou- velles sources de prospérité aux cités; il fut enfin , Messieurs, pour chacun de nous dans cette commune, le modèle de toutes les vertus. La vie de Joseph-Marie Jacquard fut pénible et laborieuse : au midi de sa vie, à la suite du siège de Lyon , en 1793, il vit sa maison en flammes et sa tête pros- crite. Il échappa au danger par le dévouement de son fils, qui avait déjà pris les