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444 LYON EN NOVEMBRE 1870. menades publiques. Ce sont eux qui sont de faction à l'Hôtel-de-Ville, à la gare, aux. portes de tous les établis- sements publics ; partout ils ont remplacé la troupe de ligne. M. Challemel-Lacour remplit, à Lyon, les fonctions d'administrateur extraordinaire du département du Rhône. 11 concentre dans ses mains les attributions civi- les et les pouvoirs militaires. C'est un homme capable, intelligent, animé d'excellentes intentions et d'un vrai, patriotisme, mais c'est plutôt un théoricien de cabinet qu'un homme d'action ; aussi est-il souvent débordé par son entourage et par les « purs » ; c'est ainsi qu'ils se désignent eux-mêmes. L'appellation est pea flatteuse pour le reste de la population. C'est à leur pression qu'est dû le drapeau rouge qui flotte sur l'hôtel de la ville de Lyon. Volontiers, j'étais tenté de m'écrier, comme le vieux sergent de la chanson de Béranger : « C'est un drapeau que je ne connais pas. » Il est profondément triste de voir arboré, dans la seconde ville de France, cet emblème de nos plus tristes jours, ce souvenir de nos luttes civiles, et je ne comprends pas que la grande ma- jorité de la population n'ait pas encore eu raison de cet étendard de l'agitation. On m'a expliqué cette excessive tolérance par le désir d'éviter une lutte et la crainte de répandre du sang ; on ajouta que nul ne faisait plus atten- tion à ce détail, et qu'il serait imprudent de réveiller des passions assoupies. Il y a du vrai dans ces assertions. Il est de fait que j'avais à peu près seul l'air de m'apercevoir que ce n'était pas le drapeau national qui était arboré sur le premier monument de la ville ; il n'en est pas moins vrai aussi qu'on n'aurait jamais dû l'y tolérer, et qu'il n'était certainement pas plus difficile d'empêcher qu'on ne l'y mît, qu'il ne le sera de l'ôter un jour.