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               UN MARIAGE SO"S LES TROPIQUES.              493

 d'une lueur étrange. Toutefois ces symptômes, inaperçus
 par le jeune homme, absorbé par son récit, disparaissaient
 promptement, et, prenant la parole à son tour, la jeune fille
 témoignait combien sa joie serait grande de connaître
 toutes ces magnificences et de boire à cette coupe de
 plaisirs, défendue aux pauyres parias d'Amérique. Elle
frappait du pied dans une sourde colère de ce que son
père, appartenant à une famille distinguée d'Europe,
ayant reçu une éducation soignée, l'avait laissé végéter
dans cette ignorance, au lieu de l'envoyer en Hollande.
Elle peignait sa reconnaissance pour ceux qui rompraient
la lourde chaîne qui pesait sur son désir; elle volait en idée
dans ces contrées supérieures par leur civilisation et mau-
dissait avec dégoût les coutumes auxquelles l'usage la
forçait de se conformer. De sorte que, toujours plus
captivé, le pauvre Rodolphe rapportait sur sa couche
sa blessure de chaque soir, et l'amour entrait furtivement
sous le voile de la pitié dont son cœur était rempli.
   — Qu'elle sera heureuse ! s'écriait-il en se parlant à
lui-même, quand elle aura pour l'aimer une mère comme
la mienne, un père comme le mien ! Cette pauvre plante
étiolée se redressera sous notre affection commune ; elle
n'est laide et fanée aujourd'hui que parce qu'il lui man-
que cette sève de tendresse sous laquelle toute âme,
comme toute plante, se décolore et périt ! Quelle joie sera
la sienne quand nous aborderoas ensemble cette merveil-
leuse Europe, où chaque pas renouvellera ses enchante-
ments ! Elle n'est pas jolie, mais ses yeux brillent d'un
feu si doux et sa main est si gracieusement petite ! Oh!
Herminia! Herminia ! Dieu ne m'a-t-il pas placé sur votre
chemin comme l'ange consolateur de vos chagrins
passés î
  Quelques jours plus tard, Rodolphe rentrait pâle et