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448                      AUTOUR DE LYON.
compagnon de route finit par m'avouer que, n'ayant pas l'hon-
neur de connaître Gratus, il ne voulait pas, pour les beaux yeux
de ce Gallo-romain très-hypothétique, se mettre sur les bras
le bataillon serré des archéologues. Il devisait encore que nous
aperçûmes :

    — Cunieu, hameau très-modeste, mais assez pittoresque-
 ment assis dans un ravin, Å“uvre antique des eaux du ciel (1).
    Mon ami me quitta pour regarder au fond du gouffre : on eût
 dit Le Dante se détachant de Virgile à la margelle d'un cercle de
 l'abîme inéluctable.
    — J'espère, me dit-il en riant à gorge déployée, que vous
      -
 n'avez rien à conter sur ce village englouti, ni sur ce chemin,
 digne pendant de celui d'une fable célèbre, ni sur ce long col
 étranglé qui monte à Saint-Bonnet-le-Froid ?
    — Si, une infinité de choses.
    — Une infinité de choses ! Rien n'est donc à l'abri des coups
 de votre celtique, pas même Cunieu ?
    — Dans ce Cunieu, où la vie coule assurément moins troublée
qu'en maints Louvres, il y a plus de réelle aristocratie, plus
d'incontestable ancienneté que chez tous les Courtenay de la
vieille monarchie.
    Je vis l'instant où mon acolyte allait, fou de stupeur, se pré-
cipiter au milieu des verchères du profond Cunieu.
    — Pour Dieu ! m'écriai-je, écoutez-moi ; vous sauterez en-
suite, si tel est votre plaisir.
    La montagne que nous gravissons a formé dès le temps cel-
tique, et antérieurement sans nul doute, la limite de deux clans
aujourd'hui sans nom : au xvm e siècle, leurs héritières et leurs
débris, les paroisses de Courzieu et de Chevinay, se disputaient
encore la possession du sommet (2). Nécessairement, il faut que
le nom désignatif de cette limite se retrouve quelque part ; car

   (1) Autour de Lyon, p. 365.
   (2) A. Bernard , Mcm de la Sociét. des Antiq. de France, t. XVIII,
p. 445.