page suivante »
218 ÉTUDE SUR LE PATOIS LYONNAIS. patois des provinces limitrophes. C'est cette lacune que je viens essayer de remplir aujourd'hui. Notre patois ou roman, tout empreint de la redondance musicale des langues sonores du Midi, dans lesquelles les voyelles finales, par leurs élisions fréquentes, ôtent au langage parlé tout ce qui serait de nature à blesser l'oreille par des sons heurtés, ou par les aspirations gutturales si communes dans les langues du Nord, devait avoir une grâce particulière dans l'entretien familier, comme s'il avait retenu quelque chose du zézaiement enfantin qui nous charme dans les premières paroles bégayées par ces petits êtres si chers à nos cœurs de père. Il m'en fut donné la preuve un jour que par un de ces hasards si rares, qu'il paraîtrait aujourd'hui mensonger \(1), j'assistais, moi seul profane, à l'instruction qu'adressait, en forme d'adieu, à ses ouailles, l'un de ces bons prêtres des champs, Bridaîne au petit pied, en qui semble s'être réfugiée— excedens ter- ris, — la simplicité du christianisme du premier âge, avec (1) Le prône, au moyen-âge, et même jusqu'à une époque assez rap- prochée de nous, dans les campagnes reculées surtout, se faisait en langue vulgaire. Dans un recueil de sermonnaires qui ne paraît pas remonter à une très-haute antiquité, on lit en lèle, cette préface : « Et parce que nos vo- lons que vos saichoir que vos dites, et que vos demandez à Deu quand vos le dites, si nos enseignerons et dirons en roman, que vos dites, et que la lettre a en soi, et ce quele nos enseigne. Or devons savoir ce qu'il a métieisà nos mesmes conduire et à celés que nos avons à conseiller ; si est la sainte pré- dication ; pourquoi li prévoire (presbyter) doibt rappeler lo pople de maie vie à bien. (Sermonnaires de Saint Victor.) La coutume de prêcher en langue paysannesque subsiste, même à l'heure qu'il est, dans plusieurs contrées du Midi ; le ritou, recteur, cure de Ser- vies, Couzinié, auteur d'un dictionnaire Roram;-Castrais, dit dans sa pré- face, que le motif qui loi a, psr dessus tout, fait entrsprendre ce travail long et ingrat, est le désir de se rendre plus familière une langue que son ministère lui faisait un devoir de parler.