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LYON EN NOVEMBRE 1870, 441 son nom, son passeport pour Cayenne, dit-il. Son père en avait tâté avant lui. C'est un certificat,de civisme. Il a le verbe haut, le style coloré et imagé. Napoléon et Tropmann, c'est tout un pour lui. Il veut la liberté, mais pas pour les réactionnaires ; ceux-là il les fusillerait s'il pouvait. Des mesures révolutionnaires, voilà ce qui sau- vera la France. On lui demande de préciser. Il ne précise pas, mais il recommence son monologue. Il ne s'agit-pas d'aller à l'ennemi, mais d'y voler. Où il atteint le sublime, c'est quand il expose ses mesures financières pour rem- plir les coffres de l'Etat. L'emprunt forcé est la plus douce et la plus pratique. Il en a d'autres, mais elles de- mandent des âmes fortes pour être comprises. Il fera son devoir, je n'en doute pas, mais ce n'est ni lui ni les siens qui fonderont la République. On l'étonnerait beaucoup si on lui disait qu'elle n'a pas de pires adversaires. Dans un coin, à une table à part, parlent à voix basse un jeune mobile et une dame âgée. La mère va se séparer de son fils, cela se voit à ses yeux humides, aux longs regards qu'elle jette sur lui. Jeune, l'imagination pleine des aven- tures au-devant desquelles il va courir, tout fier de faire œuvre d'homme, mais le cœur encore enfant, il laisse deviner la lutte qui se livre en lui. Il mange, mais sans grand appétit, et remplit plus souvent son verre que son assiette. Le vin donne une assurance factice. Le dîner fini, je sortis. La ville avait son animation habituelle, beaucoup de monde dehors, au coin des rues des groupes nombreux encore devant les boutiques des armuriers. Là s'étalaient tous les modèles de fusils connus, depuis la carabine légère jusqu'au lourd fusil-revolver. Une foule non moins considérable obstruait les trot- toirs devant les magasins de journaux. Des caricatures pendaient à l'étalage, La plupart avaient trait à l'empire