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440               LYON EN NOVEMBRE 1870.

la gare, une assiette à la main. Bravement elle sollicite
l'aumône : les gros sous abondent, tribut du pauvre.
Quelques pièces blanches, des pièces de cinq francs, voire
même d'or, tombées de la main distraite ou émue du
voyageur, ne laissent pas que de constituer à la fin de la
journée une recette assez ronde. Dans un coin, près
d'elles, coin privilégié où l'on sent à peine l'aigre bise,
reposent sur quelques matelas des soldats endormis. Ce
sont des blessés à demi guéris qui vont rejoindre leur
corps ou leur dépôt, des malades fatigués d'un long
voyage, des mobiles jeunes, un peu délicats, éprouvés
par les premières fatigues d'une campagne. Ils reposent
là, peut-être rêvent-ils de leurs mères, de leurs sœurs.
Au moment du départ, on les réveillera, on glissera dans
leurs mains quelques cigares, un peu de pain et de fro-
mage. Une voix amie les rappellera à la dure réalité,
mais ils partiront reposés et reconnaissants.
   Au sortir de la gare, il fait presque nuit. On trouve fa-
cilement à se loger à l'hôtel. Je descends à la table d'hôte.
L'uniforme domine. Des officiers de mobile qui attendent
leur ordre de départ, quelques gardes nationaux qui ont
à passer la nuit ou qui trouvent le domicile conjugal trop
éloigné, des officiers de la garnison, puis quelques rares
voyageurs qui viennent du Midi ou y retournent, voilà le
personnel. La conversation s'engage, vive, animée; on
ne se connaît pas, qu'importe ? Est-il besoin de se con-
naître pour parler de ce qui est la préoccupation uni-
que?
   Un médecin marseillais, reconnaissable à son accent,
chef d'une ambulance, discute avec un grave négociant
de Lyon. Il arrive de Marseille. On lui demande des nou-
velles. Il en donne. Républicain farouche, il a trouvé
dans les papiers de la préfecture un mandat d'amener Ã