Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
256                    LE BOUQUET FATAL.

que j'expie si cruellement. Le ciel me châtie pour avoir tranché
une existence que je ne savais pas si pleine de promesses !
   « 0 fougues impétueuses de la jeunesse, vous êtes une source
de pleurs et de remords!.... Je m'arrête, la plume échappe à
mes mains ; la crise revient m'assailiir avec une redoutable in-
tensité !

    « Dieu soit loué ! les douleurs s'apaisent. Qu'elles étaient
atroces ! Profitons de ce repos éphémère pour continuer cette
triste causerie.
    « Le siège de mes tortures, tu le sais, est dans le cerveau. 11
 est broyé, mutilé, scié, labouré et martelé par je ne sais quel
parasite inconnu qui s'y est installé en bourreau. On dirait le
 vautour de Prométhée se repaissant de ma cervelle, y plongeant
 son bec et ses serres pour la déchirer avec rage.
    « Il me semble qu'une légion s'agite et grouille sous mon
 crâne; qu'une troupe diabolique y danse une sarabande affolée ;
que des chevaux le piétinent avec des sabots armés de pointes
 de fer.
    « Parfois, mon cerveau me semble une enclume sur laquelle
 frappe à coups redoublés un forgeron invisible; d'autres fois,
 ce sont les dents d'un engrenage qui s'y impriment dans une
rotation vertigineuse. A de certaines heures, je crois sentir
l'avide succion d'un -vampire acharné; puis des mouvements
désordonnés, des pressions circulaires, des bourdonnements
 lancinants succèdent à des accalmies trompeuses et fugitives.
Tantôt c'est aux régions frontales, tantôt à l'occiput qu'est le
siège de ce mal infernal, un jour aux tempes, l'autre, vers les
sommets du crâne. La masse cérébrale tout entière est envahie
par ce monstre.
    « Les médecins ne savent comment le caractériser. Les uns
l'appellent une méningite aiguë, d'autres, une méningo-encépha-
lite ; d'autres n'osent lui donner un nom et confessent l'impuis-
sance de leur diagnostic. Je passe mes jours dans des accès de
douleur, hurlant, pleurant, blasphémant et priant tour à tour,
ou dans le morne accablement d'une stupeur hébétée, quand