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               LE BOUQUET FATAL

                      SOUVENIR DE JEUNESSE




    Solange était créole, c'est dire qu'elle était parfaitement belle ;
mais la perte du chaud climat qui l'avait vue naître lui avait
porté une atteinte mortelle. Elle regrettait ce doux pays des An-
tilles où sa joyeuse enfance avait été bercée; elle grelottait loin
des caresses perpétuelles de son soleil. L'air humide de notre
Europe avait amené à pas de géant cette désorganisation que
la science de Remy avait conjurée, et quand le mal parut dompté,
elle retrouva avec la santé les splendeurs de sa beauté rare.
   Ses cheveux d'un noir éclatant et lustré encadraient de leurs
masses épaisses un visage expressif, régulier et mobile, d'une
morbidesse exquise. Ses yeux, d'un bleu sombre, lançaient des
flammes pareilles aux éclairs brûîantà des tropiques. Le pur
dessin de son nez grec, Ses lignes gracieuses de sa bouche, ses
dents étinceiaates et son menton à fossette achevaient le relief
de sa physionomie. Lorsque noachalament penchée sur un meu-
ble et la joue reposant sur sa main, elle noyait ses regards dans
l'espace, on eût juré voir une muse accoudée sur un fût de mar-
bre brisé, comme le ciseau antique aimait à les surprendre.
Pied mignon, main d'enfant, souplesse et cambrure dans la
taille; épaules modelées à ravir, harmonie du geste-et grâce des
attitudes, vivacité nonchalante familière aux filles du soleil, tout
faisant de Solange une créature pleine d'irritantes séductions.
   Ajoutez à ces dons précieux ceux d'une intelligence délicate;
de la pénétration, du goût, et l'amour du beau sous toutes les
formes artistiques; un certain savoir exempt de recherche et de
prétentions ; de l'esprit et du meilleur, par-dessus le marché, et
vous aurez quelque pâle reflet de cette enfant aimable et rayon-
nante. Elle était de ces femmes faites pour comprendre et fécon*