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80 LU BOUQUET FATAL. Cette jeune fille était en proie à l'une de ces terribles syncopes assez ordinaires dans les maladies qui affectent à la fois le cœur et les poumons. Frissonnante d'un spasme nerveux, elle inspi- rait l'admiration autant que la pitié dans sa pâleur marmoréenne et jusque dans l'abandon plastique de l'évanouissement. Son s visage empruntait aux approches de la mort une sorte de trans- figuration qui faisait d'elle une apparition céleste. Remy fut tellement ébloui de cette beauté suprême qu'il ou- blia un instant le trépas qu'il venait combattre pour rassasier ses regards de cette contemplation. Mais un sanglot de la mère qui se lamentait au chevet du lit le rappela au sentiment du péril et de ses devoirs. A cette mère qui lui demandait d'un ton égaré : Va-t-elle ' mourir ! il répondit : Espérez. A lui-même il se dit mentale- ment : Je la sauverai. V Quelques mois après, une jeune fille drapée dans les plis d'un long peignoir blanc respirait à pleine poitrine l'air pur des jar- dins Médicis, du haut du balcon qui les dominait. Sur un gué- ridon de laque était posé près d'elle un énorme bouquet de roses. Ses regards attendris se portaient avec ravissement de sa mère au bouquet et du bouquet à Remy, car Remy était là . Il avait tenu parole : Solange de Vallouise était sauvée. Par quels mys- tères de patience, de fatigues et de science ce résultat était-il arrivé ? C'est un de ces prodiges dont l'amour a tout l'honneur, car l'amour est un grand thaumaturge. La source en était dans ce choc inattendu et délicieux qu'avait ressenti le cœur de l'étudiant dans cette merveilleuse révélation de beauté qui s'était faite en son cœur fermé jusqu'alors par l'isolement et la solitude. Ces sentiments nouveaux lui avaient communiqué des forces surhumaines pour dompter le mal ter- rible qui se dressait devant lui; ce mal, il avait lutté contre lui pendant de longs jours et de longues nuits, avec l'âpre et fa- rouche énergie d'un avare opérant le sauvetage de son trésor.