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                        LK nOUQURT l'ATAf.,                        81

Bien qu'il eût, pour cette cure désespérée, recouru aux conseils
et aux lumières d'un de ses plus savants professeurs, on pouvait
affirmer qu'il était le véritable artisan de la guérison par les soins,
la surveillance, la sollicitude et la haute perspicacité qu'il avait
mis au service de l'intéressante malade.
   Celle-ci était à demi étendue sur sa chaise longue, dans une
de ces attitudes molles et penchées qui embellissent la conva-
lescence des jolies femmes. Ses joues étaient encore emaciées et
ses mains d'une transparence diaphane, mais les teintes déli-
catement roses de sa peau accusaient la circulation généreuse
d'un sang redevenu presque riche. Jouant avec un éventail ba-
riolé, elle parlait ou plutôt gazouillait, souriait à tout propos et
 dévorait des yeux le ciel et l'espace comme si elle eût voulu les
 absorber en elle. Solange entremêlait tout ce manège de baisers
 à outrance prodigués à sa mère. Tout en les donnant, elle re-
 gardait à la dérobée et en rougissant le pauvre Remy, comme si
 par un signal tacite elle eût voulu l'avertir que ces baisers se
 trompaient de route et n'allaient pas à leur véritable adresse.
 Car ceci est un phénomène qui se passe chez les vierges les plus
 chastes avec la superbe inconscience d'une pureté ignorante.
 En embrassant leur mère ou leur sœur, elles embrassent à tout
 propos celui qu'elles aiment.
   Solange aimait donc Remy ? Qui en douterait après ce qui
s'était passé? Ce n'est pas impunément qu'un jeune homme
entre en libérateur dans la vie d'une jeune fille. Pour Solange,
le vrai libérateur, le seul sauveur était bien Remy. Elle avait le
sentiment des périls qu'elle avait courus, elle savait que son
pied avait effleuré la tombe ; or, aimant la vie comme on l'aime
A dix-huit ans, elle l'avait ressaisie avec ivresse.
    Son être entier exaalait un hymne de reconnaissance et de
résurrection. Elle se sentait si heureuse d'être rendue à la lu-
mière et aux caresses de sa mère !
    Cet hommage d'infinie gratitude se partageait entre le ciel et
 Remy ; nous n'oserions affirmer que ce dernier n'en eût la plus
 large part. N'était-il pas pour Solange la providence incarnée
 sous sa forme la plus séduisante ; celle d'un beau garçon, svelte,
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