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76 LE BOUQUET FATAL, donnent leur vraie mesure qu'en abordant la vie d'homme, il en est cent dont les succès d'école sont un sûr garant d'un avenir enviable. Remy sortait à peine du collège qu'un grand malheur fondit sur lui et sa mère. Un bulletin leur apprit la mort glorieuse du lieutenant Dorbray, tué à l'ennemi en Afrique. Cette perte concentrait sur un seul être le trésor des affections maternelles. La noble veuve aima le fils qui lui restait avec cette impétueuse tendresse qni préside à la garde d'une suprême épave de bonheur. L'heure était venue de choisir un état à ce fils bien-aimé. Ce choix ne fut pas long. Le ressouvenir de l'apostolat médical exercé par son père fut pour Remy une étoile qui éclairait sa voie. Ce père avait souvent exprimé le vœu de voir son second fils médecin comme lui; ce vœu était un appel mystérieux au- quel le jeune homme ne résista pas, et il partit pour Paris afin d'y commencer ces longues études par lesquelles passe l'homme qui veut conquérir droit de vie et de mort sur ses sem- blables. Remy, il faut tout dire, entrevoyait aussi de plus larges hori- zons que celui de la montagne natale. Les flammes secrètes qui dévoraient son sein l'avertissaient vaguement que le destin amer jusqu'alors pour les siens, devait une revanche à son nom. Il avait comme une intime et confuse ambition d'illustrer ce nom, moins encore pour lui-même qu'au profit de la mémoire pater- nelle. Sa mère le vit partir avec un sentiment d'angoisse et d'or- gueil à la fois ; elle se résigna à six années de séparation et fît de sa vie une enveloppe de chrysalide d'où son cœur muré ne devait jamais sortir qu'au jour de la résurrection de son fils au- près d'elle. III Il en est des épreuves comme des nombres au jeu, elles pro- cèdent toujours par séries. Quand elles ont élu domicile dans