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74 I,S BOUQUET FATAL. pâleur extrême, et pour ne pas chanceler, s'appuya contre la grille en fonte ouvragée qui en ceignait le pourtour. Puis il sem- bla reprendre courage, et s'agenouillant sur la pierre, humide de rosée, il défit, avec toutes sortes de délicatesse, les épingles qui retenaient le papier de soie autour de l'objet dont il était porteur. Le voile, en tombant, laissa voir une apparition ra- dieuse, un splendide bouquet de roses de Dijon et de roses-thé, dont les corolles à demi épanouies émergeaient triomphalement du milieu de leurs feuilles satinées et moirées. Ce groupe ado- rable exhalait ces délicieuses senteurs qui parurent être aux an- ciens ie souffle de Cyprès elle-même. Quelques myosotis d'un bleu sombre glissés çà et là entre les roses en émaillaient les intervalles et tranchaient en repoussoir sur leurs nuances royales. Le jeune inconDu déposa pieusement le bouquet sur la tombe, où il pria longtemps. Son visage était empreint d'une immense douleur et des larmes échappées de ses yeux allaieut rejoindre celles de la rosée. Des soupirs étouffés et des plaintes confuses sortaient de sa poitrine ; un frisson agitait toute sa personne. Le lieu était solitaire, il pouvait librement abandonner son âme à la fougue des sentiments dont il paraissait plein. Il usa de cette liberté avec cet emportement sombre qui caractérise les désolations sans remède. Mais laissons un instant cet intéressant personnage épancher le calice d'amertume contenu dans son cœur et profitons-en pour conter les très-simples mais lamentables événements qui motivaient sa présence en ce lieu. Il Remy Dorbray (C'est le nom de notre inconnu) était fils d'un médecin dont le souvenir s'est perpétué dans les montagnes du Lyonnais comme un type de dévouement, de science et de cha- rité évangélique. Il n'est pas un paysan qui n'y raconte à son foyer la légende des bienfaits de cet homme, légende populaire