Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                                 — 44 —
                 l
personnage ? Ëtymologiquement, suivant la valeur que l'on donne au pré-
fixe, Antéros signifie soit le réciproque de l'amour, l'amour qui répond à
l'amour, l'amour partagé ; soit l'adversaire de l'amour, c'est-à-dire ou bien
la résistance à l'amour, ou bien un amour qui s'oppose à un autre, les deux
pouvant être de même espèce, comme lorsque deux amants, l'éraste et
l'antéraste, se disputent la posesssion d'une amante, mais aussi l'un, Ëros,
pouvant être l'amour naturel de l'homme pour la femme, l'autre, Antéros,
l'amour contre nature de l'homme pour l'homme. La première signification,
garantie par les textes, ne se révèle dans aucun monument. Ceux qui repré-
sentent d'une façon certaine cette allégorie mythologique se rapportent à la
seconde et, selon toute probabilité, à sa dernière variante, à la passion vicieu-
se si commune dans le monde grec et si impudemment avouée. C'est dans
les gymnases, parmi la jeunesse masculine, que le culte d'Antéros semble
avoir pris naissance et avoir prospéré. La tradition écrite et peut-être la tra-
dition monumentale 3 attestent un troisième sens, Antéros vengeur de
l'amant dédaigné, moins conforme à l'étymologie, mais qu'on y peut ratta-
cher avec quelque effort : le vengeur se dresserait contre Éros pour châ-
tier son dédain, sa cruauté, Amour étant tenu responsable du mauvais
 accueil fait à l'amoureux.
      Les monuments qui représentent d'une façon certaine Antéros sont
fort rares, si l'on applique la règle qu'on doit le reconnaître là seulement où
il se distingue d'Ëros par un caractère spécifique, la forme de ses ailes, con-
tournées et recoquillées, comme celles des sphynx, des harpyes, des grif-
fons, etc. Qu'une convention artistique lui ait d'abord assigné cet attribut,
cela n'est point douteux. Tel nous le voyons sur un relief d'Ischia 3 où il

     i. Voir Boettiger, Éros uni Antéros, dans ses Kleine Schriften, I, p. 159 et suiv. ; Welcker, Griechische
GÅ“tterlehre, II, 727 ; III, 195 et suiv. ; Furtwaengler, dans Roscher, Lexikon d. gr. mythol., I, col. 1343 et
1367 et suiv. ; Wernicke, dans Pauly-Wissowa, Real. ErtcycL, I, col. 2354 et suiv.
     2. Si l'on admet qu'Antéros châtie Éros pour ce motif, et non pour quelque autre, sur la gemme citée
par Hinck, dans Annali dell' Instituto, 1866, p. 92, note 2 ; sur les autres gemmes citées par Hinck, p. 85,
note 4, p. 91, note 7, p. 92, note 1, les deux génies dont l'un châtie l'autre ayant des ailes pareilles, on ne
saurait dire au juste si l'un est Antéros ou si l'un et l'autre sont des Ëros. Même observation pour la fresque
pompéienne (ibid., pi. EF 1 ; Helbig, Campanische Wandgemxlde, n° 827) où un Ëros assiste moqueur
au châtiment d'un autre.
     3. Museo borbonico, XIV, pi. 34 ; Mueller-Wieseler, Denkmxler, II, pi. 52, n° 664 ; Braun, Antike
Marmorreliefs, 2, 5 b ; Baumeister, Denkmœler,fig.542. Cf. Montfaucon, Antiquité expliquée, I, i r e partie
p. 194, pi. après la planche 122.