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290                 AU PAYS DES CHOTTS

    Et ce sont des étalages d'une variété inouïe. Là, pendent
les étoffes légères de gaze transparente, de soie changeante,
les satins lourds de broderies d'or, les haïks sillonnés de
points d'argent, les merveilleux corselets de velours chargés
de fines arabesques, les pantalons de juives, raides d'orne-
ments. Plus loin s'accumulent en pyramides les babouches
jaunes, rouges, vertes, les chéchias à l'énorme gland bleu,
 s'étalent les tapis de Perse, de Smyrme, de Kairouan fan-
 tastiques de teintes et de dessins. Maintenant ce sont les
 hautes selles arabes cloutées de cuivre, rehaussées de
 housses de velours, les étriers d'argent, larges, habilement
 ciselés, les brides aux pompons joyeux, les mords longs,
 effilés, tout brillants dans le demi-jour des voûtes. Tout le
 long de cette rue se superposent les armes aux formes
 barbares, en panoplies étranges, s'allument sur d'étroites
 banques les parfums de Harem dont l'air est saturé. C'est
 tout un monde d'objets qui résument la vie, les mœurs, les
 aspirations d'un peuple.
    Entrons dans cette boutique, voulez-vous ? C'est la plus
 grande, le seigneur Babouchi y trône. Glissons-nous à
 travers les piles de tapis, entre les tabourets bas, incrustés
 de nacre. Courbons-nous pour ne pas heurter les lanternes
 tintinnabulantes, les brûle-parfums de cuivre. Nous voilà
 dans un petit salon loin des bruits de la rue; de larges
 divans courent partout, les murs sont tendus de superbes
étoffes. Le maître de céans nous y suit :
   — Bonjour, tu viens me voir, que veux-tu que je te
donne aujourd'hui ?
   Ce tutoiement, cette facilité d'abord, il semble tout de
suite qu'on se connaisse depuis des jours et des jours.
   — Je veux voir ce que tu as, je ne suis pas décidé
encore.