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            LES HÉCATOMBES DE LA VENGEANCE               431
être incrusté dans la pierre n'était pas même tracé dans la
poussière que le premier zéphir emporte. L'histoire de la
grande architecture est comme celle de la grande nature,
chaque époque opère sa transformation sans qu'on puisse
préciser l'heure où les métamorphoses se sont opérées ;
ainsi de ces architectes, de ces sculpteurs, dont les noms
et les Å“uvres se confondent. Grands hommes, salut ! Votre
gloire peut se comparer au bruit de ces cloches gigantes-
ques dont le son vibrant se répercute au loin, sans que
celui qui l'entend rende gloire ni au fondeur ni au
sonneur.
   Un jour, on voulut démolir la petite chapelle qui a mo-
tivé cette digression. Insigne profanation de l'art ! Voilà ce
qu'un être ignorant peut voler, car à qui donc appartient
le droit de détruire ce qu'un seul homme, entre cent mille,
a pu créer ? en vertu de quelle usurpation peut-on abattre
l'œuvre d'un artiste, surtout lorsqu'il est mort, c'est-à-dire
impuissant à créer encore, à s'égaler, à se surpasser lui-
même ?
   L'existence d'une œuvre artistique est la propriété pu-
blique; y mettre le feu, le marteau, la déchirer, l'effacer
l'anéantir, c'est tuer et usurper. Mais sauver des mains
ignorantes ou cruelles ce que la main savante ou philan-
thropique d'un artiste a fait avec amour, c'est travailler
pour son pays ; c'est mériter enfin d'être homme de génie
que de venir en aide et de se poser en protecteur du génie
lui-même.

   Le printemps était beau, et deux jeunes époux se le
disaient en passant devant cette petite église ; on la démo-
lissait, on lui arrachait la couronne du front, lorsqu'ils la
virent. Cette pauvre reine découronnée leur fit pitié; ils
crurent voir là un présage funeste pour leur bonheur.