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24 O UNE COURSE DE TAUREAUX Car il n'y a là que des tueries : tuerie des chevaux qu'on mène, sans défense et les yeux bandés, à cette triste parade ; tuerie du taureau qui doit périr quand même, fût-il féroce et indompté comme dix, tuerie d'hommes quelquefois. Et le pire, c'est que cette tuerie est sauvage. Elle se per- pètre avec mille particularités funèbres. Elle se consomme souvent dans la dislocation pièce à pièce, par elles-mêmes, des pauvres victimes, lesquelles sèment hideusement sur le sable, en courant affolées, des flots de sang avec leurs mem- bres épars. Et ce qui achève d'imprimer à ces tournois d'un autre âge un dernier caractère lugubre, c'est précisément ce contraste et ce mélange de joie idiote dans la foule et d'hor- reurs sur l'arène : il se dégage de tout cela, dans l'atmosphère, comme une odeur de sang, parfum dé- goûtant qui rappelle celui dont on se grisait à Rome, aux jours de fête, quand on jetait les martyrs aux bêtes de l'amphitéâtre et qu'on dispensait libéralement au peuple les distributions de pain et les jeux du cirque,panent et circenses. On raconte qu'à Lacédémone, les Spartiates ménageaient à leurs fils la vue d'un Ilote en état d'ivresse, pour les gué- rir à jamais de l'ivrognerie. Aux courses de taureaux, il n'y a pas même à bénéficier par les contraires, d'un enseigne- ment moral : c'est un spectacle à fuir comme on fuit les égor gements d'une vulgaire boucherie, ou, si vous aimez mieux, comme on fuit le contact d'une foule en délire devenue in- consciente du laid, à force de s'y complaire. VIR. CHRONIQUE LOCALE — Tout le monde est en vacances ; et nous aussi. A. V. Lyon. — Impr. MOUGIN-RUSAND, rue Stella, 3.