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           LES
434              HECATOMBES DE LA VENGEANCE
d'un orgueil malsain ; le mari humilié, aveuglé, s'en prit
un jour à tout ce qui était beau et grand de la chute de sa
femme et souhaita un temps de décadence, afin de venger
cette vertu déchue. Souvent, un tel fait suffit pour engen-
drer une classe de révoltés. Allez, demandez à ces pierres
disjointes et brisées, monceaux informes après avoir été
statue, socle ou tombeau géant ? demandez à ces toiles
brûlées, amas de cendres sous lequel on enterre le progrès
en se flattant d'en faire une montagne pour l'élever ?
demandez à ces vieux édifices à bas ? demandez à ces mer-
veilles à terre ; à ces hommes morts, qui, hier, étaient
vivants ? demandez à la civilisation retardée qui l'a reculée
et divisée ? elle vous répondra : — Un baiser profane, une
faveur refusée, un mot, un regard, un soupçon, ont fait
cet ouvrage. L'océan humain, ridé par un souffle, s'est
soulevé en fureur et, pour noyer l'affront, a engouffré
dans son sein tout ce qu'il portait à la fois ! Le rival a
disparu dans la tourmente. Sondez les profondeurs, vous y
trouverez mille individus tués sans raison en voulant viser
d'autres tètes. Qui saura jamais par qui ce naufrage eut
lieu ? Quel est le monstre irrité qui vint à la quille du
navire haper son ennemi et redescendre avec lui dans le
gouffre, pour savourer, avec la volupté du mystère et de
l'impunité, la vue d'une agonie ?
   Je puis vous le dire en confidence :
   C'est un amour trompé qui se venge.

                                        L. MONTAURY.