page suivante »
MAX CLAUDET 215 ces lui sont si insupportables, qu'il se résigne et reprend philosophiquement ses ciseaux. La terre et le plâtre du pays ne conviennent point au modelage ; il faut les faire venir du dehors.... Mais, l'artiste se console de ces inévitables désagréments, en disant, non sans orgueil : — Je crois que je suis le seul sculpteur vivant au fond de la province !... Jusqu'à sa mort, arrivée le 2 novembre 1876 (1), Per- raud ne cessa d'écrire à son ami de Salins de longues let- tres, souvent originales et touchantes, qui font également honneur au maître et à l'élève. Ces deux âmes d'élite, qui s'étaient rencontrées avec un double amour au cœur, celui de Fart et celui de leur province, vivaient pour ainsi dire d'une vie commune. Ce n'était pas le membre de l'Institut qui écrivait ces lignes : « Seul avec Esther, au coin du petit poêle, pendant les veillées, nous causons souvent de vous, de votre habitation ; quand je vois la neige tomber à travers les vitres, je dis : Il doit y en avoir à Remeton, et la bise de la Roche-Pourrie doit souffler aigrement sur le seuil de sa porte et contre la fenêtre de son atelier. Ce père Claudet doit étendre ses mains sur le poêle, comme le patriarche Isaac... » Un jour vint où le grand statuaire eut une immense douleur qui l'accabla sans retour. Cette Esther, qu'il avait épousée un peu tard, et qui était la consolation de sa vie laborieuse, tomba malade. Claudet, qui avait passé quelque temps auprès d'eux à Paris, l'avait laissée souffrante à son départ pour Salins. Peu de jours après, elle était morte Cette triste coïncidence fut un lien de plus entre les deux amis. Les lettres navrées que Perraud écrivit alors sont des chefs-d'œuvre de sentiment ; ce sont de ces « documents (1) Il n'avait que 57 ans.