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276 LE SONGE DE M. PAMPONNET Un grand mouvement, mêlé de rires étouffés, venait de se produire dans la foule. — C'était un mauvais rêve. Le bon- homme se souvenait : il était à la cour d'assises, les jurés étaient rentrés en séance et rapportaient leur verdict. La Cour, après s'être retirée pour délibérer, revint, plus solennelle que jamais. D'une voix profonde, le président prononça contre Dubois et Sergent la peine de dix années de travaux forcés. Les deux autres accusés, acquittés par le jury, furent aussitôt mis en liberté. Lentement, dans l'ombre des corridors trop étroits, la foule s'écoula, commentant l'arrêt.— C'était raide, tout de même, observaient les uns, pour quelques litres d'eau-de-vie de marc!... — Ils ne l'avaient pas volée ! disait un malin. — Gare aux poches ! v'ià l'Anguille ! v'ià le Hérisson ! criaient d'autres. Et les groupes qui stationnaient devant le palais de jus- tice se dispersèrent. Des voix d'ouvriers s'éloignèrent, chantant à tue-tête. Puis le silence se fit sur la ville. La nuit était glaciale. La pleine lune, découpant son disque sur le ciel ruisselant d'étoiles, inondait de clartés bleues la neige durcie qui criait sous les pieds. M. Pamponnet releva son collet de peau de bique, rabat- tit sur ses joues les oreilles de sa casquette et tourna l'angle du palais de justice pour reprendre le chemin de chez lui. Il ne se sentait pas bien ; ce cauchemar, ce sommeil in- terrompu lui avait donné le frisson; il avait la gorge serrée, à la place même où il lui avait semblé que les bandits l'em- poignaient. Aussi qu'avait-il besoin de déranger ses habi- tudes, pour venir si loin, par ce froid de loup, au lieu de garder tranquillement le coin de son feu. C'était bien la der- nière fois qu'on le prenait à faire pareille sottise ! Devant les fenêtres obscures de la prison, il hâta le pas ;