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LES ALFS DANS LE NORD 245 jamais, en prenant de l'âge, à dépasser la stature de l'Amour, il en acquit du moins, grâce à la libéralité de ses aimables donatrices, tout le charme et toute la beauté. Ses sujets, les Alfs, participèrent naturellement à sa bonne et à sa mauvaise chance (1). Le trouvère qui nous a transmis l'histoire de ce premier revers essuyé par Obéron, dès sa naissance, n'en a pas inventé le merveilleux; il l'a seulement mis en œuvre. Sa fée de mauvaise humeur, bien qu'il l'ait vêtue du costume mythologique en honneur au temps où il vivait, n'appartient pas au moyen-âge : elle représente une de ces Nornes, fées eddaïques de condition inférieure, c'est-à -dire nées de Dvergs, à l'influence pernicieuse de qui Snorro Sturleson attribue les parties malheureuses des destinées humaines (2) et la restriction qu'elle est censée mettre à la grandeur future du roi des Alfs fait allusion à l'époque incertaine où le culte des Ases, imposé par une théocratie étrangère, portait les premiers coups au sa- béisme du Nord. Ce fut affaiblie par les efforts de cette théocratie puissante et reléguée par elle à l'arrière-plan des cieux, que la royauté d'Obéron reçut des événements son deuxième choc. Dû à la puissance croissante des idées chrétiennes, ce (1) Les Alfs, on ne saurait trop le répéter, n'étant pas de la race des Dvergs ou Dvalins, n'ont pas été créés nains ; c'est ce que constate l'Edda de Suorro dans la note qui suit celle-ci. (2) Il y a plusieurs sortes de Nornes : celles qui assistent à la nais- sance des hommes pour leur donner la vie sont de race divine; elles descendent des Ases ; il y eu a de la race des Elfes et de la race des Nains ou Dualins... Les Nornes d'origine céleste donnent le bonheur ; quand les hommes tombent dans l'infortune, c'est aux méchantes Nor- nes qu'il faut l'attribuer. » {Les Eddas, voyag. de Gylfe, traduction de Mlle du Puget.)