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                      A SAINT-SÉBASTIEN                     235
 accompagne de la voix et souligne du geste un boléro de
circonstance. C'est alors, pour l'oreille une vraie surprise
en même temps qu'une fête délicieuse.
    Cependant, enveloppé dans sa mantille de velours noir,
la plume blanche au chapeau, fièrement cambré sur un po-
ney gris pommelé, l'alguazil fait, avec une lenteur de com-
mande, le tour de l'arène. Aussitôt, la demie sonne à toutes
les montres, toujours d'accord dans les graves occasions. Le
gouverneur de Guipuzcoa apparaît dans la loge', diverse-
ment accueilli par les applaudissements des uns et par les
sifflets des autres, suivant que les autres détestent le gou-
verneur et que les uns l'affectionnent. Il est évident que
nous touchons au moment psychologique et qu'il va se passer
de grandes choses.
   Une porte s'ouvre.
   C'est encore l'alguazil, mais escorté cette fois de la troupe,
ou, comme ils disent là-bas, de la Cuadrilla tout entière.
Vingt mille bras s'agitent dans l'espace et saluent les héros da
jour. Ceux-ci défilent en bon ordre et font le tour du cir-
que. C'est Lagartijo et Cara-Ancha, les deux espadas de la
course ; c'est à leur suite, la bande des piqueurs, picadores,
et celle des banderilleros, nom plus facile à prononcer qu'à
traduire ; c'est enfin le double attelage de trois mules qui
doit, à l'issue de chaque course, enlever au galop,
qui les montures éventrées, qui le taureau vaincu et
expirant.
   Mais voici qu'en un tour de main l'alguazil, après avoir
demandé au gouverneur les clefs de la cage des bêtes, a pru-
demment détalé de l'arène, les mules ont regagné l'écurie et
les jouteurs déposé leurs manteaux. Attention ! La tragédie
commence, une tragédie qui dure de vingt à trente minu-
tes, une tragédie en trois actes sans entr'actes, bref, une
tragédie d'espèce particulière, mais qui eût, ma foi, charmé