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LES ALFS DANS LE N 0 R D 254 assidue de ses courses ( i ) . Ces blanches héritières des Valkyries et des druidesses de Séna ne connaissent pas la fatigue : elles vont à toute heure de par le monde à la recher- che des héros en détresse et les rapportent, navrés et glo- rieux, à l'aide de leurs ailes diaphanes, tissues d'opale et d'azur. C'est ainsi que trois d'entre elles, Morgane, Mar- rion et une autre (2), ayant trouvé Renoart, un preux baron, endormi sur le bord de la mer, l'enlevèrent d'un commun effort et vinrent, pareillement chargées, le déposer au château d'Obéron pour être « à joie tout son vivant (3). » Quoique fées, ces neuf sœurs ont le coeur sensible. Par- fois, à l'exemple de la dame de Lains, elles éprouvent pour de simples mortels un intérêt plus que miséricordieux ; n'est point un nom, c'est le titre de la supérieuse des fées ou, comme on le croit communément, des druidesses de l'île de Séna, de Mor, grande, et gana, savante, voyante, identique à -gan, -ganez, de Corri- gan, corriganez, fée dans l'ordre des Corrs bretons, sorcière, à -gania de Geogania « très savante, » une des premières vestales consacrées par Numa, à Ganna, prophètesse germaine en Dion Cassius, à -djnd sciens, noscens, prœvidens en sanscrit, surtout pour les noms mys- tiques « grande prophètesse. » C'est en raison de cette signification, bien connue au temps de Geoffroy de Monmouth, que celui-ci fait de la celtique Morgane, dans l'Alfâlan, devenu l'île d'Avalon, l'héritière du titre de la principale druidesse de l'île de Séna. Or, nous savons que Titen, autrement Titania, était souveraine en Avalon, comme épouse du maître, Obéron/On voit en quel désordre tombaient alors les croyances vaincues par le christianisme. (1) V. note suivante. (2) iijfées blanches com fleur de lis, Morgue, ma dame, et sa suer Marion. (Guill. au Cort nés, 247.) (3) La iert à joie, s'il veut, tout son vivant. (id., 248.)