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I42 DEUX AMITIÉS sous vos ailes chaudes et palpitantes. Oh ! Marie, que de doux moments nous allons passer ensemble ! Marie fut certainement bien heureuse d'apprendre qu'elle gardait son amie, mais elle éprouvait une douleur aiguë de l'arrêt que venait de porter Mathilde, qui anéantissait ses espérances. Il lui restait donc une ombre de tristesse dont Mme Der- mont comprit la cause ; comme la tristesse lui était antipa- thique, qu'elle voulait autant que possible égayer la soli- tude à laquelle la condamnaient certaines circonstances bien plus que l'état de sa santé, elle se hâta de lui prodi- guer de flatteuses consolations, de raviver son désir de créer des œuvres nouvelles, et ne fut satisfaite que lorsque le sou- rire reparut sur le charmant visage de la jeune fille. Néanmoins, Marie découragée ne toucha pas sa plume pendant plusieurs jours, et ses travaux manuels ne lui offrant plus l'attrait qu'elle y trouvait autrefois, elle consacra plus de temps encore à son amie. Elle écoutait pensive ses récits pleins de charme qui la transportaient dans un monde d'artistes, de gens de lettres, da célébrités dramatiques, où parfois elle éprouvait de vagues désirs de se faire une place. Ren- trée chez elle, elle y songeait encore. Elle avait cru s'apercevoir que les idées, les principes de me M Dermont n'étaient point ceux dans lesquels elle avait été élevée, mais elle ne s'arrêtait point à cette pensée ino- portune ; elle avait tant d'enthousiasme, tant de sincère af- fection pour cette aimable femme, qu'elle ne voulait à au- cun prix s'avouer les taches qui pouvaient obscurcir l'auréole dont elle se plaisait à l'entourer. C'est à peine si elle s'apercevait que Mme Dermont, à la longue, exerçait sur elle une fâcheuse influence; sa vie, qui jusqu'alors, lui avait parue si douce, lui semblait maintenant monotone; l'inspira- tion l'avait abandonnée, et ces alternatives de crainte et