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LE SONGE DE M. PAMPONNET 277 ces barreaux de fer l'oppressaient. La gendarmerie, qui venait à la suite, ne lui produisit pas même cette impression de sécurité qu'elle lui faisait d'ordinaire. Au sortir de la ville, le bonhomme prit le chemin des vignes, bordé de buissons givrés qui s'en allaient à la déban- dade, le long de la côte, avec d'étranges contorsions. Il glissait à chaque pas, malgré ses souliers ferrés à glace ; malgré les ruissellements de lune dans la neige, il heurtait des pierres qui étaient là depuis trente ans et qu'il connais- sait comme sa poche : il avait tant de fois parcouru la même route ! Pourtant, jamais la distance ne lui avait parue si longue. Tout en cheminant, il se prenait à réfléchir. Triste sort que celui des vieux garçons ! On était égoïste, on redoutait les tracas de la vie, on voulait se ménager ses aises... Et l'on finissait dans un coin, tout seul, comme un chien perdu, victime d'un mauvais coup... Et personne pour vous regretter... Après tout, lui n'avait que ce qu'il méritait : pourquoi n'avoir pas voulu faire comme tout le monde ?... Et il allait, il allait, comme si ces gredins, que le jury venait d'acquitter, eussent été à ses trousses. Presque au haut de la côte, essoufflé, n'en pouvant plus, il s'arrêtta : un bruit de pas précipités... quelqu'un marchait derrière lui Mais non : c'était son cœur qui battait à tout rompre. Au détour du sentier, M. Pamponnet leva la tête, instinc- tivement, pour s'arracher à cette pénible hallucination. Sa maison était là , blanche et proprette, dominant la vallée. Ah !... de la lumière chez lui ?... Le bonhomme releva sa casquette, écarquilla les yeux, recula de deux pas. Quoi !... rêvait-il encore? devenait-il fou, maintenant?... ses fenêtres éclairées?.... Il était bien sûr de n'avoir pas allumé la chandelle avant de descendre