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                    LES ALFS DANS LE NORD                  229
   Les séâlfennes, alfs des eaux, ont été plus heureux.
Quoique chargés d'une besogne étrangère à la nature
des Alfs, ils sont tels qu'ils étaient dans la première des
sphères, la cité lumineuse : le grand changeur des choses,
le peuple leur a tout laissé, hors l'Alfheim, cet éden natal,
ce frère du ciel d'Indra,
      Où l'odeur est parfum et le bruit harmonie.
                         (La Fiancée de Bènarès, 37.)

   Présentement, l'empire de ces génies, usurpé sur les
Dvergs, comprend les bassins des fontaines, les filets purs
des ruisseaux, les cours des fleuves, les eaux des étangs,
des lacs et des golfes. Mécontents, ils couvrent de brouil-
lards la face des amas d'eaux ; joyeux, ils planent sur le
miroir des ondes, ou se baignent à l'envi dans leur cristal
liquide. Souvent, aux détours ombreux des rivières, aux
bords fleuris des sources, au fond des anses écartées, ils font
entendre de douces voix mariées au son d'instruments plus
doux encore. Alors les pêcheurs, les mariniers, les gens qui
voyagent ou trafiquent par eau peuvent se livrer sans
crainte aux hasards de l'élément perfide : ils sont avertis
qu'un ciel pur, un vent bénin et une chance heureuse 'es
accompagneront jusqu'au retour.
   C'est surtout enlrlande, sur le lac de Killarney, au comté de
Kerry, qu'il fait bon voir ces gracieuses intelligences quand
leur empire est en liesse, au solstice d'été. Le solstice d'été
est l'époque du triomphe de la lumière et le berceau des
Alfs. Celui-là donc peut se réjouir en son âme qui, de la
rive du lac, aperçoit nos séâlfennes tandis qu'ils célèbrent,
pour la millionième fois peut-être, l'anniversaire de leur
naissance! Cette vue lui portera bonheur (1). Le spectacle,


  (1) A. Maury, ouvr. cit., p. 58, not.