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246 LES ALFS DANS LE NORD second ébranlement faillit jeter bas la fortune entière du monarque. Heureusement pour lui,Tétendue de ses domai- nes en Europe le préserva d'une ruine complète. Par suite de ce développement de sa puissance, un phénomène des plus singuliers et qui, nous l'avons vu, n'est pas sans exemple, se produisit : l'être mythique se dédoubla, formant deux personnages distincts : l'un, obscurément éclos vers les riva- ges de la mer du Nord, expire en ce moment sur les bords du Rhin, en Normandie et dans le centre de la France, sous le nom d'Ellen-king, que nous connaissons, et de ses formes dérivées Hellequin, Hannequin, Niquin; l'autre, nanti d'une plus grande force de résistance, conserve de la totalité paternelle un lambeau d'auréole et le vocable im- mortel d'Obéron; toutefois l'action fatale du temps res- treint aujourd'hui son héritage aux seules îles britanniques. Dans son dédoublement en EUen-king, la conception olympienne de l'alf déposa son caractère de puissance et de bonté pour prendre les sombres et tristes allures d'une âme en peine. Cette figure de démon ou de réprouvé et la por- tion des Alfs dont elle dut être escortée,victimes de la colère céleste, sont condamnées à chevaucher la nuit jusqu'à la consommation des siècles, par le vague illimité des airs. Une heure ne suffit pas à leur défilé. Tout le temps qu'il dure, ceux de ces maudits qui galopent sur les flancs de la colonne ne se font, assure-t-on, aucun scrupule de moles- ter les voyageurs égarés par les sentiers obscurs des vallées, ou de ravir les enfants attardés le long des chemins solitaires. Goethe, dans son Roi des Aulnes, a doté de l'immortalité populaire un rapt de ce genre. A partir de Charlemagne, les peuples ne redoutaient rien tant quela rencontre de cette armée errante. Il faut voir avec quel trouble les récits du temps parlent de la milice d'Hellequin, milites Heîîequini; avec quelle épou-